- Je n'ai jamais pu supporter les gens qui se prétendent heureux.
- Pourquoi ?
- Ils mentent. Cela me fait peur.
Ce billet ne va pas être facile à écrire...
J'ai eu avec ce livre des émotions fortes , et contrastées.
Beaucoup de mal au début, tant tout me semblait "romanesque" dans l'univers que campe Pascal Quignard dans les premières pages :
dans les premiers jours de Janvier, une femme approchant la cinquantaine , musicienne, compositrice plus exactement, décide assez brutalement de quitter son compagnon, et tout ce qui faisait sa vie jusqu'à présent. Elle n'a pas d'enfants, est seule propriétaire de sa maison parisienne qu'elle décide de vendre sans même lui en faire part (légère impression d'irréalité). Elle va orchestrer son départ comme une fuite, une cavale, ayant soin d'effacer toute trace, et de se fondre littéralement dans le paysage.
C'était un caractère très étrange : extraordinairement passive. Presque contemplative. Mais cette apparence d'inertie contenait une activité propre. Elle était profondément calme, calme sans aucune sérénité, calme de façon inlassable, opiniâtre, à tout instant concentrée. Elle n'obéissait à personne mais commandait encore moins à qui que ce fût. (p.35)
Elle ne supportait plus la présence de Thomas. Odeurs, retours, attentions, présence mendiante, bruits, linge sale, coups de téléphone, tout l'offensait.(p.77)
Ce n'était pas seulement un homme qu'elle quittait mais sa passion. C'était une façon de vivre sa passion qu'elle quittait. (p.93)
Le 20 Janvier le compte à rebours commença à s'effilocher et à hésiter. A force de consacrer son temps à ces rangements furtifs, à force de jeter en cachette, à force de préméditer le vide, une vague de détresse la submergea de manière progressive. Il est difficile de se séparer de ce qu'on a aimé. Il est encore plus problématique de se séparer de soi ou de l'image de soi. (p.73)
Deuxième partie : après une errance de quelques semaines en Europe - sa façon de "quitter le monde" - elle arrive à Naples et plus précisément sur l'île d'Ischia. C'est un coup de foudre, une révélation , une communion de tous les instants avec les paysages, la nature , la mer...et une plongée dans la solitude voulue, aimée, réclamée par son corps et son esprit.
- Je me sens parfois très seule et je commence à aimer énormément cela. (p.117)
Elle avait l'air magnifique d'une femme qui ne pense jamais à l'impression qu'elle peut produire.
Il y a un plaisir non pas d'être seule mais d'être capable de l'être (p.295)
Tout ce bonheur culmine dans la découverte d'une maison, petite , simple, abandonnée, avec une terrasse à la vue inouïe, qu'elle investit totalement. La communion avec le site est totale.
Quelque chose, aussi intense qu'immédiat, l'accueillait à chaque fois qu'elle arrivait sur le surplomb de lave . C'était comme un être indéfinissable, euphorisant, dont on ne sait par quel biais on se voit reconnue par lui, rassurée, comprise, entendue, appréciée, soutenue, aimée . (p.136)
3ième partie : Ann redécouvre de l'amour auprès d'un homme, Leonhardt , de son enfant -Léna, une petite fille de deux ans-, puis d'une jeune femme, Giulia.
Je ne divulgâcherai aucunement ce passage riche en péripéties et en drames...
4ième partie : ce sont les Adieux , en quelque sorte, la finitude de toute chose par la séparation ou par la mort...et une forme de sérénité au bout du chemin, vingt ans plus tard...
J'ai beaucoup cité l'auteur dont la langue est extraordinairement remarquable, bien sûr.
On tombe à chaque instant sur des pépites, des phrases que l'on a envie de dire à haute voix puis de noter précieusement.
Le livre est riche de bien des paradoxes :
c'est un roman romanesque, quoique tout soit plausible ; il est juste un peu "plus" que la vie, pourrait-on dire...
c'est une sorte de mélo froid et bouleversant (Ann n'est pas à proprement parler "sympathique", sa quête d'absolu l'aiguisant comme une lame ; c'est une héroïne qui souffle le froid et le chaud, en somme, ce qui peut tenir à distance )
c'est très intello mais aussi ancré dans la chair ( pas mal de scènes de resto ...à chaque fois on a le menu, et on salive : pigeon aux fèves, lotte à la crème de laitue, bar aux trompettes de la mort , langoustes et étrilles...)
c'est plein de silence , mais également de musique (que Quignard connait bien, et dont il parle bien)
c'est une littérature très raffinée voire précieuse mais avec beaucoup de dialogues dans une langue simple (ce n'est pas un livre difficile d'accès)
c'est empreint d'une grande mélancolie, mais plein de force également.
C'est un livre que je viens de lire deux fois de suite.
Et que je pense que je relirai encore.
C'est un livre qui opère un charme, assurément...
Je le vois peu dans la blogo. Je m'étonne.
MIOR.
- Pourquoi ?
- Ils mentent. Cela me fait peur.
Ce billet ne va pas être facile à écrire...
J'ai eu avec ce livre des émotions fortes , et contrastées.
Beaucoup de mal au début, tant tout me semblait "romanesque" dans l'univers que campe Pascal Quignard dans les premières pages :
dans les premiers jours de Janvier, une femme approchant la cinquantaine , musicienne, compositrice plus exactement, décide assez brutalement de quitter son compagnon, et tout ce qui faisait sa vie jusqu'à présent. Elle n'a pas d'enfants, est seule propriétaire de sa maison parisienne qu'elle décide de vendre sans même lui en faire part (légère impression d'irréalité). Elle va orchestrer son départ comme une fuite, une cavale, ayant soin d'effacer toute trace, et de se fondre littéralement dans le paysage.
C'était un caractère très étrange : extraordinairement passive. Presque contemplative. Mais cette apparence d'inertie contenait une activité propre. Elle était profondément calme, calme sans aucune sérénité, calme de façon inlassable, opiniâtre, à tout instant concentrée. Elle n'obéissait à personne mais commandait encore moins à qui que ce fût. (p.35)
Elle ne supportait plus la présence de Thomas. Odeurs, retours, attentions, présence mendiante, bruits, linge sale, coups de téléphone, tout l'offensait.(p.77)
Ce n'était pas seulement un homme qu'elle quittait mais sa passion. C'était une façon de vivre sa passion qu'elle quittait. (p.93)
Le 20 Janvier le compte à rebours commença à s'effilocher et à hésiter. A force de consacrer son temps à ces rangements furtifs, à force de jeter en cachette, à force de préméditer le vide, une vague de détresse la submergea de manière progressive. Il est difficile de se séparer de ce qu'on a aimé. Il est encore plus problématique de se séparer de soi ou de l'image de soi. (p.73)
Deuxième partie : après une errance de quelques semaines en Europe - sa façon de "quitter le monde" - elle arrive à Naples et plus précisément sur l'île d'Ischia. C'est un coup de foudre, une révélation , une communion de tous les instants avec les paysages, la nature , la mer...et une plongée dans la solitude voulue, aimée, réclamée par son corps et son esprit.
- Je me sens parfois très seule et je commence à aimer énormément cela. (p.117)
Elle avait l'air magnifique d'une femme qui ne pense jamais à l'impression qu'elle peut produire.
Il y a un plaisir non pas d'être seule mais d'être capable de l'être (p.295)
Tout ce bonheur culmine dans la découverte d'une maison, petite , simple, abandonnée, avec une terrasse à la vue inouïe, qu'elle investit totalement. La communion avec le site est totale.
Quelque chose, aussi intense qu'immédiat, l'accueillait à chaque fois qu'elle arrivait sur le surplomb de lave . C'était comme un être indéfinissable, euphorisant, dont on ne sait par quel biais on se voit reconnue par lui, rassurée, comprise, entendue, appréciée, soutenue, aimée . (p.136)
3ième partie : Ann redécouvre de l'amour auprès d'un homme, Leonhardt , de son enfant -Léna, une petite fille de deux ans-, puis d'une jeune femme, Giulia.
Je ne divulgâcherai aucunement ce passage riche en péripéties et en drames...
4ième partie : ce sont les Adieux , en quelque sorte, la finitude de toute chose par la séparation ou par la mort...et une forme de sérénité au bout du chemin, vingt ans plus tard...
J'ai beaucoup cité l'auteur dont la langue est extraordinairement remarquable, bien sûr.
On tombe à chaque instant sur des pépites, des phrases que l'on a envie de dire à haute voix puis de noter précieusement.
Le livre est riche de bien des paradoxes :
c'est un roman romanesque, quoique tout soit plausible ; il est juste un peu "plus" que la vie, pourrait-on dire...
c'est une sorte de mélo froid et bouleversant (Ann n'est pas à proprement parler "sympathique", sa quête d'absolu l'aiguisant comme une lame ; c'est une héroïne qui souffle le froid et le chaud, en somme, ce qui peut tenir à distance )
c'est très intello mais aussi ancré dans la chair ( pas mal de scènes de resto ...à chaque fois on a le menu, et on salive : pigeon aux fèves, lotte à la crème de laitue, bar aux trompettes de la mort , langoustes et étrilles...)
c'est plein de silence , mais également de musique (que Quignard connait bien, et dont il parle bien)
c'est une littérature très raffinée voire précieuse mais avec beaucoup de dialogues dans une langue simple (ce n'est pas un livre difficile d'accès)
c'est empreint d'une grande mélancolie, mais plein de force également.
C'est un livre que je viens de lire deux fois de suite.
Et que je pense que je relirai encore.
C'est un livre qui opère un charme, assurément...
Je le vois peu dans la blogo. Je m'étonne.
MIOR.
Evidemment je le note. J'aime bcp les extraits mais aussi l'ambiance qui semble se dégager du livre.
RépondreSupprimerAttila
C'est un livre qui parle d'une quête d'absolu , d' une "vérité pour soi" à travers une héroïne qui peut sembler froide ....moi je l'ai aimée ...c'est un bouquin qui plaît surement aux "excessifs" , hum ...quelle langue , par ailleurs , c'est splendide
SupprimerJe l'avais énormément aimé aussi ce livre. Bcp aimé aussi le film (l'as-tu vu ?) avec Isabelle Huppert qui en a été tiré. Bises de Sandrion
RépondreSupprimerj'ai appris que Benoit Jacquot a renoncé au personnage de l'enfant ...rien que ça ne me donne pas envie...et Huppert qui joue bien , certes, mais je n 'en peux plus de la voir partout .... Je crois que ça a été tourné à Capri ?
SupprimerRhooo...mon blog te snobe toujours ?!?
SupprimerOui !! c'est nul non ? Du coup je suis obligée de mettre mon nom à la fin à chaque fois :) Je comprends pour Huppert... je ne sais pas où le film a été tourné.
Supprimer:-/
SupprimerOn l'a beaucoup vu dans la blogo à un moment et puis c'est vrai qu'il a disparut. Je crois qu'il est dans ma PAL. Quignard me fait toujours beaucoup d'effet. Mais le film m'avait découragé, je n'avais plus envie de le lire. Ton billet me redonne envie, surtout cette citation en tête de billet (et me revient une discussion que nous avions eu à ce sujet, à laquelle je pense souvent quand l'envie me prend de citer moi aussi l'auteur ;) )
RépondreSupprimerC'est Cuné ( Cuneipage ) qui commence toujours ses billets par une phrase extraite de l'ouvrage , et ça fait souvent une tres bonne accroche ;-)
SupprimerTu connais par ailleurs mon attachement aux citations , extraits , qui permettent de flairer si ce livre est pour soi...ou pas... (là, c'est à Kathel de Lettres Express que je pense ;-)
Il est vrai que ce bouquin est paru en 2006 , ce n'est pas vraiment une nouveauté
Comme j'ai aimé ce livre... (Lu et chroniqué sur mon ancien blog.)
RépondreSupprimerEn revanche, quelle déception que l'adaptation cinématographique.
Ton article me donne envie de le relire...
Je l'ai lu pendant mes vacances en Bretagne il y a quinze jours , je l'ai relu dans la soiree d'hier pour écrire un plus beau billet :-)
SupprimerNous nous sommes écharpées à la soiree du Club de lecture que je fréquente , en parlant de ce bouquin , façon Masque et la Plume ! , certaines avaient "coincé", trouvant l'héroïne trop peu sympathique , froide ; j'avoue que cela ne m'a pas gênée le moins du monde
Hou que tu me tentes ! Je l'ai déjà noté ce livre (pour Quignard) et ...disparu derrière d'autres, sûrement ! Rien que pour l'Italie...en plus ! ;)
RépondreSupprimerQuignard, j'avais lu "le salon du wurtenberg" à sa sortie, j'étais trop jeune, je m'étais ennuyée je crois ; bien sûr "tous les matins du monde " m'avait plus touchée ( le film est une sacrément belle adaptation me semble t il ) . Celui là me trottait dans la tête depuis un moment , et la formatrice qui anime l'atelier d'écriture que je fréquente cette année parle tout le temps de Quignard avec des étoiles dans les yeux ... ( en plus d'avoir du talent, l'homme serait modeste et généreux )
SupprimerJe me demande si je n'ai pas vu le film, l'histoire me dit quelque chose et j'ai des images en tête. Tu me donnes bien envie de lire le roman.
RépondreSupprimerC'est un livre un peu étrange , quand j'y repense...cette envie de quitter le monde , de ne plus jamais dépendre de quelqu'un . Tu peux (absolument ! ) tenter, c'est en poche et ça se lit en quelques heures, et c'est vraiment de haute volée litteraire
SupprimerUn auteur que je n'ai pas encore lu mais ça viendra et ce genre de billet qui sont écrits un peu après les parutions sont plus importants que ceux écrits ans le feu de l'actualité. Il est present en bonne place dans ma médiathèque.
RépondreSupprimerJe panache toujours mes lectures ; il est difficile de résister à certaines nouveautés, surtout quand on les croise en bibliothèque, mais je ne veux certainement pas lire que ça... ;-)
SupprimerJe l'ai dans ma bibliothèque et tu me donnes trop trop envie d'enfin l'en sortir ;0) Tu en parles d'une si jolie façon que l'on ne peut qu'être terriblement tentée :0) J'ai vu le film déjà et j'avais bien aimé (surtout pour les décors et pour Isabelle Huppert que j'adore !)
RépondreSupprimer....alors je n'aurai qu'un mot : fonce !
SupprimerQuel livre ! Je l'ai lu il y a déjà longtemps et j'en garde un souvenir intense et lumineux. Si tu as l'occasion, regarde le film avec Isabelle Huppert, c'est une très bonne adaptation du roman.
RépondreSupprimerIntense et lumineux, dis tu ...c'est fort juste .
SupprimerJe n'ai jamais lu Quignard mais on m'a en parlé en bien plus d'une fois. Jamais de ce titre dans mon souvenir. Je note la référence, il pourrait bien me plaire...
RépondreSupprimerIl parait que ses derniers bouquins , qui forment une fresque prévue en vingt volumes je crois ( il est au milieu du gué) sont également formidablement intelligents et cultivés . C'est un intellectuel d'une très grande érudition sans aucun doute . Je n'en étais que plus surprise par le côté éminemment romanesque de cette oeuvre ci.
Supprimerlu deux fois de suite? whaouh! un très bon argument :)
RépondreSupprimerOui, car il m'a déconcertée au départ par un côté artificiel , puis progressivement envoûtée , forme et fond .
SupprimerC'est un livre qui parle d'une recherche d'absolu ( et de l'envie profonde de sonner absolument vrai en toutes circonstances , par extension) qui m'a fascinée ( même si ça ne colle pas au réel vécu par la plupart d'entre nous, certes...et qu'une héroïne qui peut s'affranchir de pas mal de contingences comme Anne Hidden -quel nom, pour commencer- peut agacer ! je le répète ;-)
Un livre que j'ai adoré. Un "lisible" de Pascal Quignard, dont j'aime l'intelligence, le talent, la culture. Et qui m'apporte toujours qqc de positif, quoi que je lise de lui. Je ne sais pas parler des livres, mais je sais que le souvenir de celui-là est absolument magique !
RépondreSupprimeril y a un enchantement autour de ce récit, sans aucun doute
Supprimerje suis en train de le lire et j'aime beaucoup ;)
RépondreSupprimerChic alors !
Supprimer( car je vois très bien les raisons pour lesquelles il pourrait également déplaire )
...et merci d'être repassée ici pour me le dire :-)