J'ai un nouveau libraire. Il est jeune, souriant, il bosse tout seul dans une librairie minuscule.
On se croirait presque dans "Alice", après rétrécissement s'entend.
Mais il a beaucoup de choses de qualité, et j'aime bien, de temps en temps, me laisser guider.
Bon, j'aime les libraires, les vrais, ceux qui ne mettent pas des piles de Guillaume M. et de Marc L. dès l'accueil et des bouquins foireux de self-development à la caisse ; ceux chez qui on peut découvrir un auteur ou une boite d'édition inconnus, un titre oublié, ceux chez qui on aime prendre son temps car ce temps c'est déjà la respiration de la lecture.
Et qui ne vous ont pas fait un vrai parcours fléché dans la boutique, non plus -certains, dans ce genre là, ont vraiment exagéré-
Alors voilà il me dit "Karoo" vient de sortir en Poche, c'est à ne pas rater" le pauvre il ne sait pas que ce pauvre Karoo croupit dans ma Pal depuis sa sortie ; "et puis sinon, le dernier Baricco..." et là c'est très joli car il ne trouve pas ses mots .
Et moi, pouf, j'adore la couv' et c'est plié
(ce qui est bizarre c'est qu'il y a juste marqué "d'après dessin", tu parles d'un crédit.)
Plus tard j'ai découvert que la couverture italienne était très chouette aussi : et que cette empreinte digitale géante est composé des mots de "Bartleby" cette géniale nouvelle de Melville.
Si je vous raconte tout ça, c'est que dans les deux cas, des indices sont semés. On nous parlera d'une femme "vue de profil" en quelque sorte (mais ça vous ne le comprendrez qu'à la fin), d'un homme qui préfèrerait "ne pas" et surtout de ce qui fait le coeur de notre être, sa singularité, une et indivisible et pourtant rarement décrite.
Romancier britannique dans la fleur de l'âge, Jasper Gwyn a à son actif trois romans qui lui ont valu un honnête succès public et critique. Pourtant, il publie dans The Guardian un article dans lequel il dresse la liste des cinquante-deux choses qu'il ne fera plus, la dernière étant : écrire un roman. Son agent, Tom Bruce Shepperd, prend cette déclaration pour une provocation, mais, lorsqu'il appelle l'écrivain, il comprend que ça n'en est pas une : Gwyn est tout à fait déterminé. Simplement, il ne sait pas ce qu'il va faire ensuite. Au terme d'une année sabbatique, il a trouvé : il veut réaliser des portraits, à la façon d'un peintre, mais des portraits écrits qui ne soient pas de banales descriptions. Dans ce but, il cherche un atelier, soigne la lumière, l'ambiance sonore et le décor, puis il se met en quête de modèles. C'est le début d'une expérience hors norme qui mettra l'écrivain repenti à rude épreuve. (4ième de couv.)
Dans une langue impeccable et un style à la fois elliptique sur le fond mais précis dans la forme, Baricco nous embarque dans un court roman en forme de parabole poétique.
Première phrase :
Tandis qu'il marchait dans Regent's Park - le long d'une allée qu'il choisissait toujours, entre toutes-, Jasper Gwyn eut soudain la sensation limpide que ce qu'il faisait chaque jour pour gagner sa vie ne lui convenait plus. Plusieurs fois cette pensée l'avait déjà effleuré, mais jamais avec la même netteté ni la même agilité.
P.32 : ...Il finit donc par comprendre qu'il était dans une situation que partagent beaucoup d'êtres humains, mais pas moins douloureuse pour autant, à savoir : la seule chose qui nous fait sentir vivants est aussi ce qui, lentement, nous tue. Les enfants pour les parents, le succès pour les artistes, les sommets trop élevés pour les alpinistes. Ecrire des livres, pour Jasper Gwyn.
(je me souviens avoir lu cette phrase dans le métro et que les larmes me sont montées aux yeux)
En soixante-huit tableaux de seulement quelques pages, le plus souvent deux ou trois, Baricco et son héros Mister Gwyn vont nous balader très amicalement aux frontières du réalisme (il y a une histoire extra d'ampoules électriques fabriquées sur mesure...) mais sans y toucher , en quelque sorte.
L'histoire est totalement improbable quoique narrée sur un ton simple et "quotidien".
Mais nous allons clairement du côté du Merveilleux...
Est ce par hasard que le patronyme est anglais, nous sommes au royaume de l'understatement et de la pudeur extrême des sentiments, teinté d'un humour délicieux. Curieusement, j'ai d'ailleurs tout le temps eu l'impression que le livre était traduit de l'anglais !
J'ai laissé ce récit longtemps résonner en moi avant de le chroniquer.
Et il se bonifie dans le souvenir que j'en garde.
Mais je dois aussi prévenir que le charme de ce livre est fragile, comme ces bulles de savon dont les enfants raffolent.
J'imagine très bien que l'on puisse passer à côté, si pas vraiment disponible pour une une expérience de lecture profonde et légère à la fois.
Mais j'espère que vous tomberez comme moi sous le charme ...
MIOR
On se croirait presque dans "Alice", après rétrécissement s'entend.
Mais il a beaucoup de choses de qualité, et j'aime bien, de temps en temps, me laisser guider.
Bon, j'aime les libraires, les vrais, ceux qui ne mettent pas des piles de Guillaume M. et de Marc L. dès l'accueil et des bouquins foireux de self-development à la caisse ; ceux chez qui on peut découvrir un auteur ou une boite d'édition inconnus, un titre oublié, ceux chez qui on aime prendre son temps car ce temps c'est déjà la respiration de la lecture.
Et qui ne vous ont pas fait un vrai parcours fléché dans la boutique, non plus -certains, dans ce genre là, ont vraiment exagéré-
Alors voilà il me dit "Karoo" vient de sortir en Poche, c'est à ne pas rater" le pauvre il ne sait pas que ce pauvre Karoo croupit dans ma Pal depuis sa sortie ; "et puis sinon, le dernier Baricco..." et là c'est très joli car il ne trouve pas ses mots .
Et moi, pouf, j'adore la couv' et c'est plié
(ce qui est bizarre c'est qu'il y a juste marqué "d'après dessin", tu parles d'un crédit.)
Plus tard j'ai découvert que la couverture italienne était très chouette aussi : et que cette empreinte digitale géante est composé des mots de "Bartleby" cette géniale nouvelle de Melville.
Si je vous raconte tout ça, c'est que dans les deux cas, des indices sont semés. On nous parlera d'une femme "vue de profil" en quelque sorte (mais ça vous ne le comprendrez qu'à la fin), d'un homme qui préfèrerait "ne pas" et surtout de ce qui fait le coeur de notre être, sa singularité, une et indivisible et pourtant rarement décrite.
Romancier britannique dans la fleur de l'âge, Jasper Gwyn a à son actif trois romans qui lui ont valu un honnête succès public et critique. Pourtant, il publie dans The Guardian un article dans lequel il dresse la liste des cinquante-deux choses qu'il ne fera plus, la dernière étant : écrire un roman. Son agent, Tom Bruce Shepperd, prend cette déclaration pour une provocation, mais, lorsqu'il appelle l'écrivain, il comprend que ça n'en est pas une : Gwyn est tout à fait déterminé. Simplement, il ne sait pas ce qu'il va faire ensuite. Au terme d'une année sabbatique, il a trouvé : il veut réaliser des portraits, à la façon d'un peintre, mais des portraits écrits qui ne soient pas de banales descriptions. Dans ce but, il cherche un atelier, soigne la lumière, l'ambiance sonore et le décor, puis il se met en quête de modèles. C'est le début d'une expérience hors norme qui mettra l'écrivain repenti à rude épreuve. (4ième de couv.)
Dans une langue impeccable et un style à la fois elliptique sur le fond mais précis dans la forme, Baricco nous embarque dans un court roman en forme de parabole poétique.
Première phrase :
Tandis qu'il marchait dans Regent's Park - le long d'une allée qu'il choisissait toujours, entre toutes-, Jasper Gwyn eut soudain la sensation limpide que ce qu'il faisait chaque jour pour gagner sa vie ne lui convenait plus. Plusieurs fois cette pensée l'avait déjà effleuré, mais jamais avec la même netteté ni la même agilité.
P.32 : ...Il finit donc par comprendre qu'il était dans une situation que partagent beaucoup d'êtres humains, mais pas moins douloureuse pour autant, à savoir : la seule chose qui nous fait sentir vivants est aussi ce qui, lentement, nous tue. Les enfants pour les parents, le succès pour les artistes, les sommets trop élevés pour les alpinistes. Ecrire des livres, pour Jasper Gwyn.
(je me souviens avoir lu cette phrase dans le métro et que les larmes me sont montées aux yeux)
En soixante-huit tableaux de seulement quelques pages, le plus souvent deux ou trois, Baricco et son héros Mister Gwyn vont nous balader très amicalement aux frontières du réalisme (il y a une histoire extra d'ampoules électriques fabriquées sur mesure...) mais sans y toucher , en quelque sorte.
L'histoire est totalement improbable quoique narrée sur un ton simple et "quotidien".
Mais nous allons clairement du côté du Merveilleux...
Est ce par hasard que le patronyme est anglais, nous sommes au royaume de l'understatement et de la pudeur extrême des sentiments, teinté d'un humour délicieux. Curieusement, j'ai d'ailleurs tout le temps eu l'impression que le livre était traduit de l'anglais !
J'ai laissé ce récit longtemps résonner en moi avant de le chroniquer.
Et il se bonifie dans le souvenir que j'en garde.
Mais je dois aussi prévenir que le charme de ce livre est fragile, comme ces bulles de savon dont les enfants raffolent.
J'imagine très bien que l'on puisse passer à côté, si pas vraiment disponible pour une une expérience de lecture profonde et légère à la fois.
Mais j'espère que vous tomberez comme moi sous le charme ...
MIOR
J'ai déjà eu ce livre en main en librairie (sans charmant libraire pour me conseiller) et j'ai fortement hésité : retrouverai-je la grâce inaltérable de "Soie" ? Et là... je me dis que je me laisserai guider par une voix intérieure à ma prochaine virée en librairie ;-)
RépondreSupprimerfigures toi...j'ai pensé exactement la même chose ! Et le charme a opéré...
RépondreSupprimerprochaine lecture ! chouette !
RépondreSupprimerC'est un livre d'une grande délicatesse, entre rêve et réalité .
RépondreSupprimerUn très joli livre pour un début de vacances peut-être ?
Mon dieu que tu me fais rire avec ton accroche sur les libraires (entièrement d'accord sur tout punaise, certaines librairies ressemblent au rayon-livre et jeux des grandes surfaces)...bref, il est chouette ton libraire....
RépondreSupprimerSinon, je me tâte, parce que Baricco , parfois j'adore (Océan-mer), parfois je m'ennuie terriblement (les châteaux de la colère)...alors je ne sais pas, mais tout ce que tu me dis là me plait beaucoup, donc je le note en catégorie 2 dans ma LAL, parce que j'adore quand il est à la limite du Merveilleux.
Bel été Mior
Merci Galéa !
Supprimercatégorie 2 : c'est soit je le met sur une liste de cadeaux (noel, anniversaire etc...) soit j'attends la sortie poche
RépondreSupprimerÇa me paraît une bonne option , alors ;)
Supprimerah ah il est au chaud dans ma pal celui-là :-)
RépondreSupprimerJ'espère qu'il te plaira , Yueyin !
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