samedi 20 septembre 2014

"Trop" de Jean-Louis Fournier

Jean-Louis Fournier est l'auteur de nombreux livres à succès, nous dit la 4ième de couv'.
Jean-Louis Fournier a su développer un sacré capital-sympathie, après "Où on va Papa" .
Jean-Louis Fournier, après nous avoir parlé de ses deux enfants lourdement handicapés, avec son humour noir à la Desproges, nous a fait savoir qu'il était maintenant "Veuf" .
Et que sa fille , jusque là normale , avait viré folle de Dieu ("la servante du Seigneur")
J'oserais dire que Jean-Louis Fournier a un mauvais karma.
Son dernier opus s'intitule "Trop". 
Sans blague.
Il y fustige la société de consommation. Nous aurions trop de tout. Au risque de n'avoir plus envie de rien. Ben oui hein , nous sommes les enfants gâtés et gavés qui à Noël n'ouvrent plus leurs cadeaux. Ca ferait pas un peu discours de vieux c.., ça par hasard ?

Alors bien sûr JLF s'est mis sous le patronage d'Henry Miller avec cette jolie citation p.60 :
Ne pas dire un mot de toute une journée, ne pas voir de journal, ne pas entendre de radio, ne pas écouter de commérages, s'abandonner absolument, complètement, à la paresse, être absolument, complètement, indifférent au sort du monde, c'est la plus belle médecine qu'on puisse s'administrer.

Par modules de deux pages (parfois la longue pensée se résume fort bien) on trouve du meilleur et du pire.
Je vous laisse deviner qui est qui , pour moi.

TROP DE CHOSES A APPRENDRE
  Quand l'écolier part à l'école en tenue de combat, son paquetage pèse 7 kg. Son cartable est rempli de livres, trop de livres, trop de choses à apprendre.
  Il doit tout savoir.
  Tout savoir sur tout : la date de naissance de Napoléon, la superficie de la Russie, la production de blé en Ukraine... A la fin de la journée, ça fait dans sa tête, une salade russe.
  Le soir, quand il rentre, son cartable est toujours aussi lourd mais sa tête encore plus lourde.
  Le professeur qui veut bien faire, a voulu la remplir.
  Il a trop de devoirs, trop de leçons.
  - Apprendre un verbe en -eter. Il a choisi le verbe péter qui à la différence de jeter ne double jamais le t .
  - Décrire un château médiéval.
  - Utiliser l'écriture fractionnaire comme expression d'une proportion : 3/5 représente les trois cinquièmes.
  - Formuler des hypothèses sur le mode de dissémination d'une semence en fonction de ses caractères.
  - Raconter et expliquer un épisode des découvertes ou de la conquête de l'empire espagnol d'Amérique.
  - Décrire l'évolution démographique de l'Inde.
  - Décrire et expliquer le paysage d'un front pionnier.
  - Localiser et situer le front pionnier sur le planisphère des grands foyers de peuplement.
  - Expliquer les évolutions de la qualité de l'air à l'échelle d'une agglomération.
  Et après, quand tout est barré sur son cahier de textes, essayer de dormir, et oublier tout ça.

  Il a douze ans.


TROP D'ECRANS, 5 par foyer.
  Sur l'écran de mon réveil, je regarde l'heure, sur l'écran de mon smartphone je regarde mes photos, sur l'écran de ma banque, je regarde mes comptes, sur l'écran de mon tableau de bord, je regarde ma vitesse et ma consommation, sur l'écran de mon GPS, je regarde la route à suivre, sans lui je serais perdu.
  Sur l'écran de ma liseuse, je lis Marcel Proust, sur l'écran de mon ordinateur, je lis mon manuscrit.
  L'écran du distributeur de billets me demande mon code. J'obéis. Je regarde l'écran de la pompe à essence, l'écran de ma tablette. Je lis les stations sur l'écran de mon poste de radio et la référence de la musique que je suis en train d'écouter. Sur l'écran de la webcam, j'échange avec mes amis qui sont en Amérique.
  Sur son écran, le cultivateur suit l'état de sa laitière, sa production de lait. Plus besoin de se déplacer, de se mouiller les pieds dans les prés, et d'aller caresser sa vache.
  A l'écran du distributeur qui me disait à la fin de l'opération "Merci de votre visite", j'ai failli répondre "Mais je vous en prie".
  Les écrans font écran à la vraie vie. On vit par procuration. Parfois, je me demande si l'original existe encore.
  Ecran total. Comme si la réalité avait disparu et qu'il n'en restait sur les écrans, que des traces.
  Devant l'écran de télévision, je m'endors.
  Des écrans de télévision partout, de plus en plus grands.
  De plus en plus de chaînes qui nous enchaînent, 280. Des chaînes qui se répètent, des chaînes qui bégaient, rediffusent des rediffusions. Elles émettent souvent 24 heures sur 24.
  Je me souviens encore des merveilleux moments qu'enfants, nous passions devant la mire. Avec émotion, nous attendions le début des programmes et l'apparition de Catherine Langeais. Nous avions pour elle, les yeux de Bernadette Soubirou.
  La magie a disparu. La télévision est à discrétion , elle coule sans arrêt, à volonté.
  Et on n'a pas la volonté de l'arrêter.

TROP DE BEAUTES 
   Chaque soir, le prince descend avec l'eunuque dans le gynécée. Il va choisir sa compagne de la nuit.
   Le prince a 400 femmes dans son harem.
Il a l'embarras du choix.
  Il y a les nouvelles qui retiennent son attention, puis les autres, les anciennes auxquelles il reste très attaché.
  Il est chaque fois embarrassé et ne sait laquelle choisir.Quand il choisit la blonde évanescente, il pense à la brune incandescente. Puis, il y a la rousse flamboyante...
  Laquelle choisir?
  Le prince a le syndrome du harem. Il n'a pas le choix, seulement l'embarras du choix.
  Parfois, il envie les monogames.
  L'eunuque marche devant lui.
  Le prince regarde ses jolies petites fesses moulées dans un pantalon de soie... 

La quatrième de couverture questionne hardiment : "Un livre de trop ? "
Je serais tentée de dire oui.
Ma camarade Séverine a écrit un billet très joli et beaucoup plus charitable. 
Je n'en cite pas d'autres. Ca risquerait de faire trop .

MIOR 

18 commentaires:

  1. Et toc ! (j'adore le ton de ce billet !)

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  2. j'avoue, il m'a agacée, cette fois ...

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  3. Je n'avais déjà pas été convaincue pas "Où on va papa" ... alors je ne risque pas de lire celui-ci, surtout après ton billet !

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    1. J'avais été touchée . Là c'est vraiment un peu facile ...

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  4. C'est bien dit tout ça! Et tu ne me tentes pas du tout :)

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  5. Aie, ce billet n'est pas très tentant.... Mais très bien écrit !!! Je me penche plus sur les romans que ce genre d'essais souvent un peu faciles ;-)

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  6. En même temps , parfois cela de respirer l'air du temps , ou de s'inscrire en faux au contraire...
    Là , c'est vraiment terriblement inégal , dommage

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  7. J'ai plutôt aimé, pas tout, mais il y a de beaux textes. Je lis Fournier régulièrement, pas tous ses livres parce que ce serait trop, mais un de temps en temps, j'aime bien, et contrairement à toi, je ne trouve pas que cette fois-ci il tombe dans la facilité, à mon avis il y tombait lorsqu'après avoir parlé de ses garçons, il avait embrayé sur sa fille, ça faisait un peu "bon filon"

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    1. euh ...bon filon, je n'irais pas jusque là , Yv !
      Pour un type qui fait profession de l'humour , il a tout de même un p... de destin marqué par le tragique
      Et une sacrée capacité de résilience, mais on comprend qu'il ait besoin se s'épancher

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  8. oui, il y a de bons moments ! mais l'impression d'ensemble est un peu gâchée (pour moi !) par ce côté "c'était mieux avant" (sous-entendu) qui te renvoie immédiatement dans une image de vieux c.. largué qui pousse sa complainte ;-)

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  9. Je n'adhère pas à Fournier. j'ai essayé, plusieurs fois, mais son ton souvent péremptoire et son pessimisme m'irritent. Certes, il a vécu des choses tristes, difficiles, éprouvantes... mais il s'apitoie un peu trop à mon goût en faisant de chaque problème un roman. Dans chaque titre, j'ai trouvé qu'il en faisait... trop.

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    1. Il s'apitoie...tu es dure ! Plus encore que moi alors ;-)
      Parfois son humour (noir) fait mouche tout de même. Et puis "à l'oral" il est charmant
      Je vois que tu es en pause, récupère bien et à bientôt (c'est sympa de venir lire les autres !)

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  10. Je ne sais pas si c'est un livre de trop, mais dans le fond je le rejoins, je trouve qu'on vit dans une société du trop, ou tout le monde veut toujours avoir plus. On privilégie la quantité à la qualité, dans presque tous les domaines. Alors je suis entièrement d'accord avec lui. Après je ne sais pas si ça fait un bon livre.

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  11. Eh bien alors, tu seras sûrement sensible à ce court bouquin , malicieux et dont certaines pages font sourire quand même .
    Typiquement, c'est des passages comme celui cité sur les eçrans qui m'ont agacé ( à son âge , confondre un outil avec ce qu'il nous amène comme activités variées , rhooo, c'est balot )

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  12. Je ne sais pas si Fournier jouissait d'un capital sympathie, les thèmes de ses romans et les accumulations de ses malheurs m'avaient jusque là laisser de marbre. Ben, là, je me dis que je sais enfin pourquoi, rien que les quelques citations de ta note m'agacent .... Et c'est quoi cette histoire de sultan et d'eunuques ? Comprends pas le rapport ... Les hommes ont le choix de trop de femmes dans la société de consommation, alors ils regardent les fesses des hommes ???? Bon, je me doute que ce n'est pas vraiment cela le "message" ... Mais je n'aime pas les textes à messages ...

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  13. Bon , on respire du bas , on se calme , c'est de l'humour ...mais ça n'est apparemment pas le tien , lol

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Mior