vendredi 14 novembre 2014

" Enon " de Paul Harding

traduit de l'anglais par Pierre Demarty
aux Editions du Cherche-Midi

De cet auteur rencontré au Festival America, j'avais eu très envie de découvrir ce bouquin. 

Le sujet n'en est pourtant pas festif : un homme perd sa fille unique, renversée par une voiture.

Mais Paul Harding était, lui, plein de vie et d'humour lors des tables rondes et disait avoir tenté une expérience particulière dans son récit de deuil. 

Il semblait me promettre des expériences quasi-surnaturelles à travers celui-ci.

Je fus intriguée, il fallait bien que j'aille y voir...


Dans cette bourgade comme endormie de Nouvelle-Angleterre, l'accident est un coup de tonnerre dans un ciel (faussement) serein. Le couple parental va exploser dans les jours qui suivent, le narrateur restera seul à cuver son chagrin, jusqu'à la lie.
Nous le verrons boire (beaucoup), se shooter aux antidouleurs jusqu'à l'accoutumance du vrai drogué, prêt à cambrioler des petits vieux pour avoir sa dose ( ce qui donne lieu à des scènes où la comédie le partage au pathétique) nous l'écouterons nous raconter des souvenirs d'enfance dans une Amérique bucolique et comme embaumée par le souvenir, nous le verrons errer au cimetière et surtout nuitamment... 
Mais jamais de déclic pour un récit fantastique assumé ( ce que je j'espérais , en fait)
Se réveiller pour réaliser tous les matins que Kate est "toujours" morte sera une torture qui plongera Charlie dans un désespoir sans fond tout au long d'une année (bien naturellement aurais-je envie de dire ) 
Je dois avouer que , malgré le secours de quelques belles pages, elle m'a parue un peu longue à moi aussi ...

L'après-midi touchait à sa fin, le soleil n'émettait plus aucune chaleur et ses rayons transperçaient les arbres d'un éclat vif et doré. J'avais beau grelotter, je ne voulais pas rentrer chez moi. L'idée de retrouver la maison, froide elle aussi, ses pièces vides où résonnerait l'écho de mes pas, les assiettes et les verres qui s'entrechoqueraient dans l'évier quand j'extrairais de la pile de vaisselle en souffrance un bol sale et le nettoierais avec un torchon sale pour y verser une poignée de corn flakes rassis, arrosés d'eau du robinet parce que le lait avait tourné, puis de chercher une cuillère qui ne soit pas maculée de restes de nourritures desséchés et, n'en trouvant pas, de balancer le bol de céréales dans l'évier, où il se fendrait en deux et briserait au passage un verre, et ainsi de suite jusqu'au moment où j'aurais avalé suffisamment de pilules et d'alcool pour passer outre le juste désespoir que m'inspiraient la maison et ma propre présence dans ces murs, cette perspective -la seule idée de cette séquence d'actions- m'était intolérable.

Et pourtant. Ma peine n'aurait-elle pas été plus intense encore si Kate n'avait jamais existé ? Beaucoup plus intense ? N'était-il pas vrai que sa brève et joyeuse existence était la plus grande joie de la mienne ? La joie de ces treize années ne constituait-elle pas un royaume à part entière, dont le chagrin assiégeait à présent les murailles, certes, mais sans parvenir à les abattre ? Voilà ce que je me disais. La joie de ces treize années possédait une intégrité en propre, au sein de laquelle Kate continuait d'exister.

Une déception pour moi, comme pour Krol (qui n'y va pas par quatre chemins)  un grand coup de coeur pour Jérôme (qui en parle bien)
Alors ?

MIOR

6 commentaires:

  1. Il est toujours sur ma liste, même si tu me rafraîchis un peu... Je te conseille quand même vivement son premier qui était épatant (mais pas gai non plus)

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    1. J'avais adoré sa présence , à America , et puis un mec qui a été batteur dans une vie antérieure ne pouvait que me plaire ! Malheureusement , ça ne l'a pas fait, côté lecture

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  2. Même chez Jérôme, je comptais passer mon tour (tu vois le deuil d'un enfant, non en fait), donc ce n'est pas ta chronique qui me fera changer d'avis. Finalement, l'auteur n'est pas forcément un bon paramètre de choix: certains sont sympas d'autres insupportables, mais dans un cas comme dans l'autre, ça n'augure rien sur notre lecture.

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    1. ...c'est parfaitement exact, et c'est pourquoi je ne cours pas forcément après les signatures , rencontres , etc . Un romancier est quelqu'un qui a choisi de s'exprimer à l'écrit , au fond ;-) et que nous devons accueillir comme tel.
      Sur ce thème hyper casse-gueule , Laurent Gaudé avait fait une prouesse assez remarquable avec La Porte des Enfers

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  3. Alors, alors, je ne me sens pas d'attaque pour me faire un avis ;-) Je ne lis-ou regarde- des oeuvres traitant de la mort d'un enfant que si je suis sûre que c'est une incontournable ! Pas question de souffrir inutilement ;-)

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Mior