P.O.L , 546 pages.
Sous ce titre intriguant (tiré du Yi-King, "le livre des transformations" chinois) une compilation d'articles parfois anciens, des avants-propos pour des éditeurs, des idées de scénarios (le très bon "l'Invisible"), des billets sur des auteurs aussi divers que Léo Perutz, Daniel Defoe, Balzac, Japrisot, Ferenc Karinthy, Philip K.Dick bien sûr, en forme d'exercices d'admiration (un genre que je goûte fort ; j'aime les gens qui savent dire leur respect et ce qu'ils doivent à l'un ou l'autre, sans barguiner ;-) )
Les faits divers (l'affaire Romand bien sûr) la politique dans le bloc de l'Est (le jeune Emmanuel est tombé dans la marmite tout petit, quand tous les spécialistes de l'URSS le faisaient sauter sur les genoux chez sa maman, Hélène Carrère d'Encausse), les destins singuliers (Alan Turing/ le dernier hongrois prisonnier de guerre depuis cinquante ans)...
Tout cela est extrêmement vivant, se lit avec beaucoup d'appétit, même si on peut parfois émettre un bémol sur tel ou tel article exhumé qui semble de moindre intérêt.
"J'ignore où cela va me mener , mais je ne sais plus écrire que ce qui s'est passé."
Je ne sais pas si cet opus va amener à Emmanuel Carrère beaucoup de nouveaux lecteurs -je n'en suis pas bien sûre, en vérité, car le pavé peut sembler trop hétéroclite au premier abord- en revanche je garantis que ceux qui l'aiment déjà ne seront pas déçus ici.
Pour le paraphraser je pourrais dire que je lis E.Carrère "avec un vif plaisir" et depuis longtemps. Je connais ses thèmes -voire ses obsessions- son intérêt pour le monde tel qu'il va, ses amours et sa façon d'envisager la sexualité comme un divertissement de type addictif et une sorte de sport de combat ludique, le mélange de passion qui l'agite avec un scepticisme d'homme intelligent qui pourrait le faire passer pour un cynique , mais pas tant que ça.
Et tout cela me plait.
Peut-être serais-je déçue si je rencontrais E.C "in the flesh" -notez bien que cela n'a que peu de chance de se produire- mais je le retrouve avec un plaisir gourmand à chacune de ses bouquins, comme un ami qu'on apprécierait beaucoup sans toutefois le voir souvent. On a l'impression de reprendre la conversation là où elle s'était arrêtée et de pratiquer une sorte de ping-pong mental auteur/lecteur tout à fait réjouissant.
Pour moi il ne pratique pas l'auto-fiction , genre que je crois bien détester, mais une sorte d'auto-journalisme, dont le ton m'enchante d'autant plus qu'il sait jouer sur bien des registres: tantôt purement factuel, tantôt avec une distance narquoise, d'autres fois beaucoup plus littéraire. Humain, très humain.
Si Emmanuel Carrère est est un intellectuel qui manie bien les idées et l'introspection créative, il sait aussi écrire avec des mots qui rendent tout ceci très accessible. Et si E.C a des mots simples, c'est dans un style à mes yeux impeccable, une langue qui sait tirer de la pratique du journalisme une façon de "dégraisser" le texte qui me plait énormément. Il n'en a pas moins une imagination fertile -qui en fait un scénariste apprécié je crois- dont bien des auteurs de fiction pourraient s'estimer heureux.
Brisons là, j'en ai assez dit ;-)
Morceaux choisis :
Un pouvoir. Un talent. Un don. L'homme sur qui cela tombe, sans raison ni justice, est un roi, mais aussi un rat. Il est élu, mais aussi exclu. C'est surtout cela, au fond, que je voudrais raconter : comment un don peut exhausser mais aussi dévaster une vie (p.256)
Stravinski, à qui on demandait un jour s'il aimait Sibelius, répondait après un moment d'étonnement : "Au fait, oui, je l'aime bien. Mais je n'y pense pas souvent." Je crains, avec Balzac, d'être dans les mêmes dispositions, c'est-à-dire ne pas l'aimer. (p.133)
Capote, en 1960, était un romancier fêté, mais qui se sentait au bout du rouleau et cherchait un moyen de démentir la phrase de Scott Fitzgerald selon laquelle il n'y a pas de second acte dans la vie d'un écrivain américain. Il avait développé une théorie sur ce qu'il appelait le non-fiction novel, qu'on pourrait appeler le roman documentaire, et cherchait un sujet qui lui permettrait d'illustrer cette théorie. Quelque chose qui, normalement, relèverait du reportage et dont il ferait une oeuvre d'art. (p.266, à propos de "De sang froid")
Car dans le projet de ce film il y a cette envie-là : qu'il finisse bien. Enfin, bien, je m'entends : pas forcément un happy end de comédie dramatique. Mais que les personnages, à la fin, aient avancé. Que leurs choix les conduisent plus près d'eux-mêmes. Qu'ils ne s'enferment pas, ne se fourvoient pas, ne régressent pas, mais prennent conscience de ce qu'ils sont vraiment, de ce qu'ils désirent vraiment et agissent en conséquence . (p.336)
Un bien beau programme, en vérité ...
MIOR.
Sous ce titre intriguant (tiré du Yi-King, "le livre des transformations" chinois) une compilation d'articles parfois anciens, des avants-propos pour des éditeurs, des idées de scénarios (le très bon "l'Invisible"), des billets sur des auteurs aussi divers que Léo Perutz, Daniel Defoe, Balzac, Japrisot, Ferenc Karinthy, Philip K.Dick bien sûr, en forme d'exercices d'admiration (un genre que je goûte fort ; j'aime les gens qui savent dire leur respect et ce qu'ils doivent à l'un ou l'autre, sans barguiner ;-) )
Les faits divers (l'affaire Romand bien sûr) la politique dans le bloc de l'Est (le jeune Emmanuel est tombé dans la marmite tout petit, quand tous les spécialistes de l'URSS le faisaient sauter sur les genoux chez sa maman, Hélène Carrère d'Encausse), les destins singuliers (Alan Turing/ le dernier hongrois prisonnier de guerre depuis cinquante ans)...
Tout cela est extrêmement vivant, se lit avec beaucoup d'appétit, même si on peut parfois émettre un bémol sur tel ou tel article exhumé qui semble de moindre intérêt.
"J'ignore où cela va me mener , mais je ne sais plus écrire que ce qui s'est passé."
Je ne sais pas si cet opus va amener à Emmanuel Carrère beaucoup de nouveaux lecteurs -je n'en suis pas bien sûre, en vérité, car le pavé peut sembler trop hétéroclite au premier abord- en revanche je garantis que ceux qui l'aiment déjà ne seront pas déçus ici.
Pour le paraphraser je pourrais dire que je lis E.Carrère "avec un vif plaisir" et depuis longtemps. Je connais ses thèmes -voire ses obsessions- son intérêt pour le monde tel qu'il va, ses amours et sa façon d'envisager la sexualité comme un divertissement de type addictif et une sorte de sport de combat ludique, le mélange de passion qui l'agite avec un scepticisme d'homme intelligent qui pourrait le faire passer pour un cynique , mais pas tant que ça.
Et tout cela me plait.
Peut-être serais-je déçue si je rencontrais E.C "in the flesh" -notez bien que cela n'a que peu de chance de se produire- mais je le retrouve avec un plaisir gourmand à chacune de ses bouquins, comme un ami qu'on apprécierait beaucoup sans toutefois le voir souvent. On a l'impression de reprendre la conversation là où elle s'était arrêtée et de pratiquer une sorte de ping-pong mental auteur/lecteur tout à fait réjouissant.
Pour moi il ne pratique pas l'auto-fiction , genre que je crois bien détester, mais une sorte d'auto-journalisme, dont le ton m'enchante d'autant plus qu'il sait jouer sur bien des registres: tantôt purement factuel, tantôt avec une distance narquoise, d'autres fois beaucoup plus littéraire. Humain, très humain.
Si Emmanuel Carrère est est un intellectuel qui manie bien les idées et l'introspection créative, il sait aussi écrire avec des mots qui rendent tout ceci très accessible. Et si E.C a des mots simples, c'est dans un style à mes yeux impeccable, une langue qui sait tirer de la pratique du journalisme une façon de "dégraisser" le texte qui me plait énormément. Il n'en a pas moins une imagination fertile -qui en fait un scénariste apprécié je crois- dont bien des auteurs de fiction pourraient s'estimer heureux.
Brisons là, j'en ai assez dit ;-)
Morceaux choisis :
Un pouvoir. Un talent. Un don. L'homme sur qui cela tombe, sans raison ni justice, est un roi, mais aussi un rat. Il est élu, mais aussi exclu. C'est surtout cela, au fond, que je voudrais raconter : comment un don peut exhausser mais aussi dévaster une vie (p.256)
Stravinski, à qui on demandait un jour s'il aimait Sibelius, répondait après un moment d'étonnement : "Au fait, oui, je l'aime bien. Mais je n'y pense pas souvent." Je crains, avec Balzac, d'être dans les mêmes dispositions, c'est-à-dire ne pas l'aimer. (p.133)
Capote, en 1960, était un romancier fêté, mais qui se sentait au bout du rouleau et cherchait un moyen de démentir la phrase de Scott Fitzgerald selon laquelle il n'y a pas de second acte dans la vie d'un écrivain américain. Il avait développé une théorie sur ce qu'il appelait le non-fiction novel, qu'on pourrait appeler le roman documentaire, et cherchait un sujet qui lui permettrait d'illustrer cette théorie. Quelque chose qui, normalement, relèverait du reportage et dont il ferait une oeuvre d'art. (p.266, à propos de "De sang froid")
Car dans le projet de ce film il y a cette envie-là : qu'il finisse bien. Enfin, bien, je m'entends : pas forcément un happy end de comédie dramatique. Mais que les personnages, à la fin, aient avancé. Que leurs choix les conduisent plus près d'eux-mêmes. Qu'ils ne s'enferment pas, ne se fourvoient pas, ne régressent pas, mais prennent conscience de ce qu'ils sont vraiment, de ce qu'ils désirent vraiment et agissent en conséquence . (p.336)
Un bien beau programme, en vérité ...
MIOR.
Moi aussi j'adore Carrère mais je n'étais pas attirée du tout par ce titre. Sauras-tu me faire changer d'avis ? Il faut dire qu'il a une écriture incroyable !
RépondreSupprimerC'est passionnant , surtout si on connaît déjà l'œuvre . Je l'ai lu gloutonnement !
SupprimerBon d'accord, tu m'as convaincue, je connais déjà l'oeuvre et je l'apprécie...
Supprimer:-) je te rembourse si tu es déçue
SupprimerWahou!je n'en ai lu qu'un, que dis-je, dévoré, et j'ai bien envie de continuer...
RépondreSupprimerTrente trois entrées pour un livre que l'on peut dévorer d'une traite ou picorer selon ses préférences :-)
SupprimerJ'avais lu "le royaume" de lui. J'aimerais lire d'abord d'autres opus avant de m'attaquer à celui-là, en revanche j'ai lu tout le chapitre consacré à Japrisot en feuilletant le livre dans un Relay (pas bien !) car je venais de me taper l'intégrale des romans "policiers" de Japrisot et j'étais curieuse de voir comment il allait parler de cet auteur. Quel autre titre de Carrère me conseillerais-tu ?
RépondreSupprimer...et le portrait t'a t'il plu ?
SupprimerDifficile de te répondre ...il a fait dans plusieurs genres . La Moustache est un recit diaboliquement à la frange du fantastique , La classe de neige une fiction noire ...l'Adversaire sur l'affaire Romand est passionnant et questionnant ...Le Royaume est très particulier... BREF Je conseillerais je crois D'autres vies que le mienne pour commencer :-)
Je n'ai toujours pas lu Carrère, et je n'ai toujours pas très envie, malgré ton avis et celui de Delphine très enthousiaste aussi. Quelque chose me retient mais je ne sais pas quoi...
RépondreSupprimercurieux que tu ne l'ais jamais lu ... La peur que nos nos goûts se révèlent par trop opposés ? ah ah ;-))
SupprimerPour moi c'est vraiment un auteur contemporain qui vaut la peine , je le trouve très habile, assez complet et diablement séduisant ( la plume à la main s'entend )
Tout à fait en phase avec toi. J'ai quasi tout lu d'Emmanuel Carrère et je me retrouve tout à fait dans le regard que tu poses sur oeuvre. Il me tarde de lire celui-ci.
RépondreSupprimerAlors c'est un plaisir de lecture qui t'attend, assurémént :-)
SupprimerC'est un romancier étonnant je comprends qu'on lise tous ses livres , est-il en baisse d'inspiration pour faire paraître ses essais publiés ou non?
RépondreSupprimerÉcoute, malgré ses airs d'éternel jeune homme, il tape la soixantaine tout de même ;-) peut-être A t il eu envie de jeter un coup d'œil dans le rétro ? Ou POL lui a t il proposé de rassembler tout ce qui traînait ici ou là, et qui de fait , "allait se perdre " ? J'espère bien qu'il n'est pas au bout du rouleau ! Et n'en crois rien d'ailleurs ;-)
SupprimerA chaque billet croisé, je me dis un peu plus qu'il faut que je fasse la connaissance de cet auteur :-)
RépondreSupprimerRho oui tu pourrais ! Et si d'aventure sesthèmes ne t'intéressaient pas , tu ne perdrais pas beaucoup de temps : c'est un auteur qui a une plume extrêmement fluide, il se dévore. Ne commence peutêtre pas par Le Royaume, en revanche
SupprimerA part Le royaume qui attend toujours quelque part que je le finisse, je n'ai jamais été déçue par cet auteur... il me reste quelques titres que j'aimerais lire, dont Limonov, Un roman russe, et celui-ci. J'ai écouté E. Carrère samedi à la Fête du Livre de Bron, et il est passionnant ! Il dit avoir rassemblé ces textes (il en a éliminé qui ne lui plaisaient plus) pour les garder en mémoire, et les partager avec ses lecteurs qui, sans doute, n'ont pas pu les lire dans divers magazines depuis vingt-cinq ans...
RépondreSupprimerJ'ai eu un peu de mal avec Le Royaume , comme je l'avais dit ici même . Une lecture plus ardue, évidemment . Mais très culottée , la démarche ! ( comme toujours avec lui ;-)
SupprimerJ'adore, tu le sais ! Que tu dire d'autre ? Tu en as si bien parlé !
RépondreSupprimerMerci ;-)
SupprimerJe le suis depuis ....toujours , depuis La Moustache , 1986 ? rhoo ....
De lui, j'ai été bouleversée par "D'autres vies que la mienne". J'ai tenté "Le Royaume", mais c'était trop pour moi ;-)
RépondreSupprimerJe note celui-ci pour la bib. Jolie critique !
Merci ;-)
SupprimerJ'apprécie Emmanuel Carrère, mais un peu en dilettante... Pourquoi pas, tu en parles merveilleusement bien en tous cas.
RépondreSupprimer...merci du compliment ;-)
SupprimerLui et Echenoz sont deux auteurs que je suis avec bcp de fidélité ...et d'admiration !
Il m'a déçue avec son livre précédent, je boude donc encore un peu avant de lire celui-ci. Si tu aimes son écriture, moi, j'adore sa diction.
RépondreSupprimerComme tu t'en souviens peut-être , comme nous avions fait une lecture commune, moi non plus je n'avais pas été conquise par "Le Royaume" - à part la première partie , très typique du bonhomme avec cette sorte d'impudeur candide-
SupprimerIl n'est pas indispensable de bouder plus longtemps ;-) si tu veux m'en croire
J'aime beaucoup cet auteur (au point de lui avoir emprunté le titre de mon blog !!) je n'ai pas encore lu "le royaume", je me le garde pour les vacances, et je note aussi ce titre là ! Bisous de Sandrion (ton blog ne veut pas que je publie avec l'adresse du blog !)
RépondreSupprimerRhoo mais c'est dingue ça ! Mesdames messieurs , sachez que le très bon blog de Sandrine /Sandrion s'intitule "d'autres vies que la mienne" , ceci explique cela ;-)
SupprimerLe Royaume est plus touffu, bien sûr ; ce volume ci est un régal pour les carrèrophiles :)
Mon virus de l'herpès simplex-2 est guéri et c'est une guérison miracle. Merci au Dr Padman qui guérit mon herpès génital
RépondreSupprimerJe suis si heureux aujourd'hui parce que je ne suis pas infecté par l'herpès (herpès simplex virus-2). Je souffre d'herpès depuis trois ans maintenant et j'ai traversé de nombreux processus différents pour guérir des maladies du HSV2, mais rien ne fonctionnait. Un de mes amis m'a présenté à un médecin (Dr Padman) qui m'a envoyé un remède contre l'herpès et ma vie s'est transformée et tout va bien et bien pour moi. Jusqu'à présent, je vais vérifier et il va maintenant sept mois et je suis toujours négatif ... Merci au Dr Padman, je ne cesserai jamais de parler au monde de votre bon travail.Je laisserai tomber son adresse e-mail pour ceux qui ont des problèmes similaires ...
Envoyez-lui un e-mail via: padmanherbalcure@yahoo.com
Whatsapp +19492293867
Site Web: http://padmanspell.com/