Affichage des articles dont le libellé est Benjamin Wood. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Benjamin Wood. Afficher tous les articles

samedi 6 septembre 2014

Prix du Roman Fnac 2014

 Théatre du Châtelet, Paris, 2 Septembre 2014...

La Fnac organise, depuis 2002, le Prix du Roman Fnac qui réunit un jury composé de 400 adhérents et de 400 libraires de la Fnac. Ce jury se plonge dans la lecture des romans de la rentrée, sur épreuves, sans aucune influence de critiques ou commentaires.  
Fin mai : les membres du Jury commencent à lire les romans à paraître à la rentrée, soit près de 600 références.
Juillet : une première sélection de trente-deux ouvrages est établie
2 septembre 2014 : à l’issue des délibérations finales, le lauréat du 13ème Prix du Roman Fnac est annoncé. 
J'ai eu le plaisir en tant qu'adhérent Fnac de faire partie du jury cette année.
 Ma participation : lire en Juin quatre livres, en écrire une critique assez succinte et leur décerner une note. Pour certains, des jaquettes blanches, d'autres arborant une mention "épreuves non corrigées". 
Pour moi une pioche intéressante car quatre parfaits inconnus :

Boris Fishman "Une vie d'emprunt" , chez Buchet-Chastel (premier roman)
Slava, jeune Juif russe de New York, est un modèle d’intégration. Fuyant sa communauté, sa langue maternelle et le poids du destin familial, il s’est installé à Manhattan où, à défaut de réaliser ses rêves d’écrivain, il a dégoté un poste de larbin pour la prestigieuse revue Century avec, en prime, une petite amie américaine branchée et sexy. Mais la mort de sa grand-mère le ramène brutalement parmi les siens, à Brooklyn, et plus précisément chez son grand-père. Le vieux Guelman a souffert dans la vie parce qu’il était juif, parce qu’il était citoyen de seconde zone en Union soviétique, puis immigré russe en proie au mépris d’une Amérique triomphante – et voudrait bien, aujourd’hui, obtenir réparation. Mais il n’est éligible à aucun programme d’indemnisation. 
Qu’à cela ne tienne, Slava est écrivain, il sait raconter des histoires…

C'est grinçant c'est drôle, cela souffre un peu de la comparaison avec d'illustres prédécesseurs dans cette veine, évidemment...
Extraits :
Le siège de la Commission d'indemnisation des victimes de la Shoah était mitoyen des bureaux des fondations de soutien aux initiatives économiques allemandes, comme si ces dernières ne pouvaient décemment mener leurs affaires sans une piqûre de rappel de ce que leurs ascendants avaient provoqué (...)

Le grand-père (qui fut marié à une terrible!) et son petit-fils :
- Le mariage est un mystère. Au final, toute explication logique est impossible. Tolstoï avait tout faux. Ce sont les familles heureuses qui sont heureuses de plein de façons différentes, et les familles malheureuses qui sont toujours malheureuses, toujours de la même façon dépressive et prévisible. C'est chaque fois un petit miracle, quand deux personnes mènent une vie fusionnelle .
- Donc ça ne dépend pas de nous.
- Non, non. Bien au contraire. ça demande du travail.
- Dans ce cas , ça m'échappe.
- Je suis presque mort, et ça continue de m'échapper.


NB:Boris Fishman sera présent au Festival America ! Vincennes , 11/14 Septembre !!



Edwige Danticat "Pour l'amour de Claire" , chez Grasset
(titre original: Claire Of The Sea Light, très maladroitement traduit...)
A Villa Rose, un petit village côtier au Sud de Port-au-Prince, tout le monde se connaît. Une embarcation de pêcheur vient d’être emportée par une gigantesque vague et une enfant, Claire, a disparu. Elle venait d’avoir sept ans et de comprendre que son père envisageait de se séparer d’elle, qu’il aimait plus que tout au monde et qu’il élevait seul depuis la mort de la mère en couches, pour la confier à une femme aisée…
 
J'ai été très sensible au charme de ce récit haïtien, plein de couleurs, d'odeurs, d'ambiances
Extrait :
On trouverait cela bizarre -on avait accusé certains de sorcellerie pour moins- si elle avouait qu'elle rêvait de prendre toutes ces gamines chez elle et de les voir jouer dans les nombreuses pièces vides de sa maison. Et quand elle se sentirait triste, elle leur demanderait de jouer avec elle. Certains jours, elle avait une envie folle de prendre une fillette dans ses bras, juste pour sentir son odeur, une odeur qu'elle ne trouverait jamais chez les hommes. Ils sentaient le renfermé, le moisi, ils sentaient la marche, la possière te l'eau de Cologne qui n'arrivait jamais à atténuer l'odeur musquée de leur peau. Ils sentaient l'effort, la transpiration, les femmes. Les fillettes, elles, sentaient les fleurs et la verdure, le talc et la rosée .



L'idiot du palais , de Bruno Deniel-Laurent, à La Table Ronde :
Un court récit , cent trente pages, dans une langue impeccable et acérée. Une belle découverte et un plaisir de lecture indiscutable (même si l'auteur a peut-être un peu raté sa sortie...) 
On l’appelle le Palais. C’est une prison dorée des beaux quartiers de Paris. Originaire de Serbie, Dušan vient d’y être recruté comme agent de sécurité. Au service de la Princesse, il passe son temps à attendre, simple figurant d’une farce où se mélangent le protocole et les caprices. 


Lorsque le Prince débarque sans préavis des États-Unis, Dušan endosse un nouveau rôle. Le «docteur» Élias, âme damnée des lieux, lui confie la mission délicate de pourvoir aux fantasmes du Prince. C’est ainsi qu’il recrute Khadija sur les boulevards extérieurs. Il ne sait pas qu’en la ramenant au Palais il va signer sa propre perte. Et retrouver le goût de la liberté.


Debout-payé , de GAUZ :
Quelle belle surprise ! Déconcertée par le titre, jai trouvé en page 24 son explication : 
"Debout-payé : désigne l'ensemble des métiers où il faut rester debout pour gagner sa pitance. Le métier de vigile est donc un debout-payé."  Magnifique !


Debout-Payé est le roman d’Ossiri, étudiant ivoirien devenu vigile après avoir atterri sans papier en France en 1990.C’est un chant en l’honneur d’une famille où, de père en fils, on devient vigile à Paris, en l’honneur d’une mère et plus globalement en l’honneur de la communauté africaine à Paris, avec ses travers, ses souffrances et ses différences. C’est aussi l’histoire politique d’un immigré et du regard qu’il porte sur notre pays, à travers l’évolution du métier de vigile depuis les années 1960 — la Françafrique triomphante — à l’après 11-Septembre.Cette épopée familiale est ponctuée par des interludes : les choses vues et entendues par l’auteur lorsqu’il travaillait comme vigile au Camaïeu de Bastille et au Sephora des Champs-Élysées. Gauz est un fin satiriste, tant à l’endroit des patrons que des client(e)s, avec une fibre sociale et un regard très aigu sur les dérives du monde marchand contemporain, saisies dans ce qu’elles ont de plus anodin — mais aussi de plus universel.
 Extraits :
Congolais, ivoiriens, maliens, guinéens, béninois, sénégalais, etc., l’œil exercé identifie facilement les nationalités par le seul style vestimentaire. La combinaison polo-Jean’s Levi’s 501 des Ivoiriens ; le blouson cuir noir trop grand des Maliens ; la chemise rayée fourrée près du ventre des Béninois et des Togolais ; les superbes mocassins toujours bien cirés des Camerounais ; les couleurs improbables des Congolais de Brazza et le style outrancier des Congolais de Stanley… Dans le doute, c’est l’oreille qui prend le relais car dans le bouche d’un Africain, les accents que prennent la langue française sont des marqueurs d’origine aussi fiable qu’un chromosome 21 en trop pour identifier le mongolisme ou une tumeur maligne pour diagnostiquer un cancer. Les Congolais modulent, les Camerounais chantonnent, les Sénégalais psalmodient, les Ivoiriens saccadent, les Béninois et les Togolais oscillent, les Maliens petit-négrisent…
...La formation est des plus minimaliste, aucune expérience n’est particulièrement exigée, les regards sont volontairement bienveillants sur les situations administratives, le profil morphologique est prétendument adéquat. Profil morphologique… Les noirs sont costauds, les noirs sont grands, les noirs sont forts, les noirs sont obéissants, les noirs font peur. Impossible de ne pas penser à ce ramassis de clichés du bon sauvage qui sommeille de façon atavique à la fois dans chacun des blancs chargés du recrutement, et dans chacun des noirs venus exploiter ces clichés en sa faveur. (...)
QUAND SONNE LE PORTIQUE. Le portique de sécurité sonne quand quelqu’un sort ou entre avec un produit qui n’est pas démagnétisé. Ce n’est qu’une présomption de vol, et dans 90% des cas, le produit a été payé en bonne et due forme. Mais il est impressionnant de voir comme presque tout le monde obéit à l’injonction sonore du portique de sécurité. Presque jamais, personne ne la transgresse. Mais les réactions divergent selon les nationalités ou les cultures.
- Le Français regarde dans tous les sens comme pour signifier que quelqu’un d’autre que lui est à l’origine du bruit et qu’il le cherche aussi, histoire de collaborer.
- Le Japonais s’arrête net et attend que le vigile vienne vers lui.
- Le Chinois n’entend pas ou feint de ne pas entendre et continue son chemin l’air le plus normal possible.
- Le Français d’origine arabe ou africaine crie au complot ou au délit de faciès.
- L’Africain se pointe le doigt sur la poitrine comme pour demander confirmation.
- L’Américain fonce directement vers le vigile, sourire aux lèvres et sac entrouvert.
- L’Allemand fait un pas en arrière pour tester et vérifier le système.
- L’Arabe du Golfe prend un air le plus hautain possible en s’arrêtant.
- Le Brésilien lève les mains en l’air.
- Un jour, un homme s’est carrément évanoui. Il n’a pas pu donner sa nationalité.
Très original,avec des modes de narration contrastés, tout à fait passionnant...mais pourquoi "roman" en couverture ??

AND THE WINNER IS :

C'est le britannique Benjamin Wood qui remporte la palme , avec "Le Complexe d'Eden Bellwether" chez Zulma.
 Chouette, un premier roman ! Et un succès inattendu si l'on pense aux poids lourds auxquels il était confronté (Carrère, Reinhart pour les français par exemple) 


 Cambridge , musique et manipulation...mmm...appétissant! 
Je reviendrai vous en parler dès que possible ...

MIOR