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mercredi 12 novembre 2014

"Fleur et Sang " de François Vallejo

De François Vallejo, l'excellent "Ouest" m'avait laissé une impression forte...
J'ai retrouvé dans "Fleur et Sang" une certaine façon d'écrire, loin des modes et des chapelles, qui semble bien être sa marque.
Des histoires fortes, pleines d'ambiguité et d'ambivalences, un ancrage dans une France rustique et d'autre temps : le Second Empire dans "Ouest", le Grand Siècle ici.

Ce qu'on peut dévoiler de l'histoire :


Urbain Delatour, né sous Louis XIV, suit l’enseignement de son père, maître chirurgien-apothicaire. Héritier respectueux et docile, il combat sa répulsion pour les sanies et autres plaies purulentes, et l’assiste dans les soins octroyés au seigneur de Montchevreüil...
Au XXIe siècle, la chirurgie de pointe a remplacé l’herboristerie : Étienne Delatour est promis à un avenir brillant. Il accomplit en virtuose les opérations les plus sophistiquées. Son talent reconnu de tous le protège de ses accès d’émotion...
Fleur et Sang construit un pont entre deux destins, deux époques...Avec maestria, François Vallejo nous offre un « co-roman » où deux histoires se superposent grâce à une subtile orchestration des temps et contre-temps.

Je pense qu'il n'est pas nécessaire d'en savoir beaucoup plus pour se lancer dans cette lecture...
Sachez qu'il sera question, d'une manière joueuse, de psycho-généalogie ( un lointain ancêtre peut-il chercher à se dupliquer à travers nous, pouvons nous être "hantés" en quelque sorte sans que jamais cela n'affleure à notre conscience ? ...) , de destins d'hommes dans une carrière médicale qui formate leur pensée et leur rapport au monde, mais aussi et même surtout d'amour, de séduction, et d'effroi... Ceux qui nous aiment nous veulent-ils toujours du bien ? Rien ne saurait être moins sûr...

La langue est raffinée, le vocabulaire riche , la construction alternée entre le De La Tour du XVIIième et le Delatour contemporain fonctionne bien. Je dois avouer avoir eu encore plus de plaisir de lecture avec l'ancêtre, Vallejo semblant très à l'aise avec ce personnage assez haut en couleur et qui saura nous surprendre...

Delatour se fout de l'argent. Son seul vice ne coûte pas cher : pour quelques dizaines d'euros, il s'achète, de temps en temps, chez des brocanteurs, des instruments de chirurgiens ou d'apothicaires du Grand Siècle, par amitié pour ses prédécesseurs, des pinces, des seringues à clystère, des pilons, des tenettes, des curettes, des lancettes, même pas présentés dans des vitrines, faute de temps et de place. Il ne profite de rien de ce que pourrait lui procurer ce qu'ils appellent ses dépassements. Il se contente d'un compte en banque rempli de zéros, tout en sachant qu'il est idiot d'être riche pour rien. Le reste du temps, il est riche surtout des tonnes de souffrance qu'il soulage.
...

Les plus indulgents savaient que la mauvaise santé de M. de Montchevreüil était cause qu'il était le plus atrabilaire des hommes et imploraient mon père d'y porter remède par toute voie de la chirurgie qu'il avait en son pouvoir, afin d'obtenir l'apaisement des humeurs chez un homme qu'on avait connu  plus plaisant dans sa jeunesse, bienveillant avec ses closiers et fermiers, à qui il ne demandait que les corvées nécessaires.
La mort en couches, ou peu s'en faut, de sa femme, sous les mains d'un autre Urbain Delatour, mon grand-père, l'avait changé en un matin et fait de lui un homme dévoré par sa bile, sauvage, raide même avec ceux qui lui étaient d'avance le plus soumis, dont l'affection la plus ancienne était broyée plus sûrement que des feuilles de pavot noir sous mon pilon dans mon mortier de bronze.

Un roman garanti 0% autofiction, mais 100% imagination, fiction et inventivité, ça vous dit ?

MIOR