jeudi 16 août 2012

Mr Peanut d'Adam Ross (10/18)


Ne lisez pas ce livre si vous êtes en pleine crise conjugale ...ou peut-être si , au contraire ? Car ici , Hitchcock rencontre Bergman et ça secoue !  
Trois couples, trois situations conjugales racontées chaque fois du point de vue du mari (pas si fréquent). L'auteur est également un homme , et c'est bien ce qui rend ce récit intéressant. Car, osons le dire, si les femmes adorent parler de la vie de couple et les auteures aussi , on a parfois l'impression que les hommes restent sans mots quand on aborde les sphères de l'intimité et du conjugo.
 "La première fois que David Pepin rêva de tuer sa femme, ce n'était pas lui qui la tuait.Il imagina une intervention divine providentielle. Ils pique-niquaient sur la plage lorsqu'un orage approcha. Tandis qu'ils rangeaient pliants , couvertures et alcool, un éclair jaillit. David vit Alice prendre feu et se transformer , comme dans les dessins animés, en un squelette avant de s'écrouler réduite à un tas de cendres fumant. Il la regarda trottiner sur le sable , seul point culminant dans l'horizon vide. Elle s'arrêta même pour contempler les nuages qui s'amoncelaient dans le ciel . "Une belle tempête", fit-elle . Alors , mû par un orgueil démesuré, il tenta le sort: "Moi, David Pepin, qui suis plus sage et plus savant que Dieu, j'affirme et déclare qu'en cet instant et sur cette plage, Jones Beach, Dieu ne foudroiera pas ma femme." Dieu s'abstint. Evidemment. Une fois dans leur van , alors que la pluie tombait si fort qu'ils se seraient crus dans une station de lavage , il se glorifia de sa déité auprès d'Alice en lui demandant , pour la forme, si cet énorme pénis, ce pénis si raide (et si exhibé) pouvait être d'une nature autre que divine. Et là , sur la banquette avant, à l'abri des éléments déchaînés, il fit l'amour à sa femme avec colère et passion."   
 Appelons un chat un chat , semble nous dire Adam Ross dès cette première page , et ne nions pas l'ambivalence des sentiments amoureux mais plongeons plutôt dans les méandres de notre psyché...
Ce David Pepin que vous venons de rencontrer de façon à la fois abrupte et pleine d'humour va voir son voeu-terreur le plus secret advenir: Alice va mourir , en effet....
Deux inspecteurs ont chargés de l'enquête : eux-mêmes ont des dossiers conjugaux chargés ! Pour l'un des deux caractères , Adam Ross exploite une énigme policière américaine qui fit grand bruit dans les années 50 : Sam Shepard, jeune médecin prospère, fut accusé du meurtre de sa femme Marylin dans des circonstances horribles, purgea 10 années de prison avant d'être rejugé et innocenté (comme il l'avait toujours proclamé).Cette affaire qui reste non-résolue donna d'ailleurs naissance au personnage principal de la série "Le Fugitif" .
 Ici , Adam Ross imagine donc l' (improbable) reconversion de Sam Shepard en policier, lequel est bien au courant des enfers conjugaux ordinaires, et va chercher à déterminer si David Pepin a tué sa femme...Tout ceci va être compliqué par un personnage sombre nommé Moebius.
 Il ne s'agit en aucun cas d'un polar ! C'est bien un récit psychologique, ô combien, certes avec deux femmes mortes, mais ce n'est pas le plus important.                                                     Les questions posées sont plutôt: comment fait-on pour durer, à quel prix le fait-on ; qu'est ce qui donne le sentiment que cette personne en particulier vaut de faire de tels efforts; la place investie par la sexualité; les épreuves ordinaires ou extra-ordinaires; l'irréductible altérité de "l'autre"...                                                                  
Les réponses qu'Adam Ross amène à ces questions ne sont ni manichéennes ni simplistes. Le récit est contrasté, avec des épisodes tragi-comiques, d'autres franchement dramatiques et très touchants, beaucoup d'humour et même une certaine fantaisie un peu allégorique par moment , ainsi que des passages très "visuels" , très cinéma noir des années 50. Bergman + Hitch, vous disais-je ! 
J'ai beaucoup aimé ce bouquin (que j'ai lu deux fois d'affilée) même si son format (dans les 500 pages) exige une bonne concentration.                                                                                                 Je vous le recommande, si le sujet ne vous fait pas peur!    MIOR


 
                              

2 commentaires:

  1. Mior,
    Mr Peanut me fait très envie pour attaquer mon mois de septembre quasi clouée au lit par la maternité gémellaire!!!
    bravo pour le blog, vraiment très riche et bien écrit,
    signé : violon rouge

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  2. Merci cher violon rouge...
    Amitiés
    Mior

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Merci de votre visite, et de votre commentaire ;-)
A bientôt !
Mior