mardi 18 décembre 2012

"Reflets dans un oeil d'homme" de Nancy Huston

Franchement je suis perplexe... 
J'ai lu ce livre avec intérêt, rapidement, (avoir tourné autour depuis sa parution en Mai dernier) mais je ne sais trop qu'en penser...

 L'impression dominante est d'être retournée faire un tour dans le féminisme dur , celui de nos mères (grâces leurs soient rendues au demeurant!) , celui qui peut laisser amère et revancharde : un féminisme qui se construit contre l'homme, au fond.


Le premier livre que j'ai lu de Nancy Huston , il y a vingt cinq ans , s'intitule "Journal de la création".
 Il racontait , à travers des exemples célèbres (Sylvia Plath , Zelda Fitzgerald) la quasi impossibilité d'être une artiste aux côtés d'un homme qui est lui-même un créateur; l'inévitable relation "pygmalionnaire" qui s'ensuit.

 Et aussi le conflit création/procréation, vécu par la femme, seule. 

Je l'avais trouvée dure et intransigeante dans ce journal-essai , alors qu'elle m'avait par la suite captivée avec son roman "la Virevolte" qui parlait , mais de façon non-théorique de ces mêmes problèmes.

J'ai par la suite lu une grande partie de son oeuvre, passionnée, subtile, mélomane          ("Prodige" ,"Variations Goldberg", "L'empreinte de l'Ange"...) 

Je retrouve dans ce récent essai les mêmes accents de fureur envers les hommes qu'en 1988 .
 Mais maintenant , N.H cherche à expliquer l'injustice de la situation par une théorie du regard du mammifère-homme sur le mammifère-femelle.

Rejetant avec violence les "gender studies" ou théories du genre , Nancy Huston partage avec nous son expérience personnelle en premier lieu , et -un peu trop à partir de celle-ci ? -revient à des vues quasi "naturalistes" sur les échanges homme -femme :

Des yeux masculins regardent un corps féminin: immense paradigme de notre espèce.

Pendant les deux milles millénaires de la vie humaine sur Terre, le lien chez les mâles entre regard et désir a été une simple donnée de l'existence. L'homme regarde , la femme est regardée. L'homme appréhende le mystère du monde , la femme est ce mystère . L'homme peint , sculpte et dessine le corps fécond; la femme est ce corps.

Certes, les femmes regardent les hommes aussi et les hommes regardent les hommes et les femmes regardent les femmes... Mais le regard de l'homme sur le corps de la femme a ceci de spécifique qu'il est involontaire,inné, programmé dans le "disque dur" génétique du mâle humain pour favoriser la reproduction de l'espèce , et donc difficilement contrôlable . Ses répercutions sont incalculables, et très largement sous-estimées.

L'homme resterait donc sujet et la femme objet  ... oups ....je n'ai que quelques années de moins que Nancy Huston et pourtant à cette lecture je ne me sens vraiment pas de la même génération.
Devons-nous ainsi être ramenés au Cro-Magnon qui est -certes- tapi dans chacun de nous,et qui conditionnerait la construction de nos vies, comme une fatalité ?

Les champions de l'unisexe et du multisexe nous ont à ce point anesthésiés qu'on a du mal à reconnaître cette évidence rustique : une belle jeune femme seule, pour une bande de jeunes hommes (surtout s'ils ont bu) est l'équivalent d'une biche pour une bande de loups; elle provoque le désir de curée.
Que faire de cela?  "Vas-y ma chérie, balade-toi toute seule sur la 42ième Rue à trois heures du matin, et, si jamais quelqu'un essaye de t'embêter,dis lui que tu as choisi d'être un homme."
Quelle mère , quel père oserait parler ainsi à sa fille adolescente?
La "théorie du genre" n'est pas seulement élitiste, elle est irresponsable.

"Rustique" , à tout le moins...

Tout n'est pas aussi outrancier que cela dans cet essai , mais il est à tout le moins inégal , parfois passionnant mais aussi souvent décevant, partial et comme enragé par moments !

Nancy Huston trace de beaux portraits d'Anaïs Nin , de Marylin Monroe et de Jean Seberg , des femmes qui ont d'une certaine manière" subi" leur beauté  -et ce qu'elle provoquait chez la plupart des hommes qu'elles croisaient-  et qui ont entretenu des rapports narcissiques et haineux avec elles-mêmes
 (au passage, elle conclue vraiment étourdiment qu'  "Anaïs Nin meurt à 74 ans après une vie, dans l'ensemble, plutôt heureuse" ... absolument pas le souvenir que m'a laissé son Journal , dévoré à l'adolescence !) 

Le fait d'avoir été dominé par une femelle dans les premières années de la vie peut être vécu par le mâle comme une humiliation. Au sortir d'une enfance vécue sous l'autorité d'une femme, l'homme regarde le corps féminin avec ambivalence, en le désirant et en le redoutant, en le jalousant et en le détestant.

.... L'anatomie c'est le destin.

Aïe... je me demande si je ne préfère pas  "on ne naît pas femme , on le devient" !

A l'heure du mariage pour tous et de l'évolution du regard posé sur la transexualité, c'est vraiment un discours réactionnaire, voire daté . Ce genre d'assertion m'est quasiment pénible à lire.
 La réalité est tellement plus complexe qu'elle mériterait le sens de la nuance, Mme Huston.
 On vous avait connue plus subtile... on vous préfère écrivain

MIOR

http://www.youtube.com/watch?v=rGWgUlMA71o

...par honnêteté , je rajoute ce lien qui vous amènera vers une longue intervention de N.Huston parlant de son ouvrage et de ses thèses chez Frédéric Tadéï ; elle y est plus pondérée , peut-être plus convaincante à l'oral qu'à l'écrit...mais pas forcément très encline au dialogue avec les autres invités du plateau !



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Mior