vendredi 11 janvier 2013

"Le manteau de Proust" de Lorenza Foschini , Quai Voltaire

... une pépite pour les amoureux de Marcel Proust !

Ce court volume mêle l'enquête à l'hommage , et retrace l'aventure d' "un lecteur pour qui le fétichisme est une religion" : Jacques Guérin , bibliophile et collectionneur , qui , par des hasards et des coïncidences assez rocambolesques, réussit à réunir le décor de la chambre de Proust, jeté sur le trottoir par la veuve de son frère...

"Ce que son beau-frère représente pour la littérature lui échappe complètement. Elle n'a jamais lu la Recherche. Marcel est à ses yeux un personnage inquiétant qui a sali le nom de la famille et écrit des choses inconvenantes"

Retrouvés, sauvés même faudrait-il dire, le bureau massif et à tout dire assez vilain, mais surtout le lit étroit en cuivre , radeau de l'écrivain insomniaque et obsessionnel :

"Déchiré de nostalgie, il gisait sur son lit, nostalgique d'un monde altéré " écrit Walter Benjamin. Pour l'essayiste allemand c'est la seconde fois dans l'histoire qu'est dressé  "un échafaudage comme celui sur lequel Michel-Ange, la tête en arrière, peignait la Création au plafond de la Sixtine : le lit sur lequel Proust malade, à main levée, couvrait de son écriture les innombrables feuilles qu'il consacra à la création de son microcosme."

Innombrables feuilles, certes, mais dont Marthe Proust fit un sauvage autodafé... avant que sa fille Suzy , plus au courant de la valeur de l'oeuvre de son oncle, ne soustrait ce qu'il  en restait pour le placer au coffre, in extremis.

Comble de l'émotion pour Jacques Guérin, réussir finalement à récupérer le manteau de Proust , cette grande pelisse doublée de loutre que l'on voit sur tant de photos :

  Et dans tant de descriptions :

Marcel s'habillait ainsi depuis l'âge de vingt ans. Il n'avait jamais changé de style, le temps semblait s'être arrêté pour lui . Son image apparaissait comme figée, embaumée dans ses années de jeunesse. Ceux qui le rencontraient pour la première fois avaient l'impression de voir une apparition, "un homme très pâle , ensaché dans une vieille pelisse bien que la nuit fût tiède ; d'épais cheveux noirs coupés sur la nuque, à la mode de 1905, soulevaient par derrière son chapeau melon gris; sa main gantée d'un chevreau glacé couleur ardoise tenait une canne; ses joues d'ivoire mat s'ombraient vers le bas d'un bleu doux, couleur de la moisissure du fromage; ses dents étaient grandes et belles; sa moustache donnait du relief à ses lèvres lourdes; ses paupières bistrées surchargeaient un regard velouté, profond, en voilaient le  magnétisme " Paul Morand ,  le Visiteur du Soir.



"En 1913 , Cocteau fait le portrait de Proust rentrant de ses randonnées nocturnes "en croisant sa pelisse , blême, les yeux cernés de bistre , un litre d'eau d'Evian dépassant de sa poche". Il le dessine , enveloppé dans son lourd manteau, le menton caché dans le col de fourrure sur lequel se posent ses moustaches encore noires comme ses cheveux qui dépassent du chapeau melon. "

 En effet, et ce dessin  qu' on peut voir à Milly-la-Forêt, dans la maison-musée de Cocteau, n'est pas cruel mais plein de tendresse. Cocteau a tellement bien croqué Marcel, extérieur comme intérieur ! J'en ai éclaté de rire ...

La chambre de Proust est exposée au Musée Carnavalet , à Paris.
 Le manteau , trop abimé pour être présenté au public , est précieusement rangé, comme une relique,  "comme les fidèles du Moyen-Age conservaient pour eux un fragment miraculeux du vêtement d'un saint."

Je cours à Carnavalet . Je vous raconterai !

Mior.



2 commentaires:

  1. Bonjour,
    J'adore les coïncidences temporelles qui nous font croire en la "magie",
    et ce livre me semble les réunir pour nous faire revivre Proust, ou du moins son fantôme, tout entouré de "magie" comme le mystérieux portrait d'Albertine au château de Guermantes,...
    Merci pour vos selections et n'oubiez pas de mettre vos impressions après votre visite à Carnavalet

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Merci de votre visite, et de votre commentaire ;-)
A bientôt !
Mior