mardi 4 juin 2013

Le Grand Violon , poème d'Henri Michaux



LE GRAND VIOLON

Mon violon est un grand violon-girafe ;
j'en joue à l'escalade, 
bondissant dans ses râles, 
au galop sur ses cordes sensibles et son ventre 

    affamé aux désirs épais, 
que personne jamais ne satisfera, 
sur son grand cœur de bois enchagriné, 
que personne jamais ne comprendra. 
Mon violon-girafe, par nature a la plainte basse
    et importante, façon tunnel, 
l'air accablé et bondé de soi, comme l'ont les gros poissons gloutons des hautes profondeurs,
mais avec, au bout, un air de tête et d'espoir 
    quand même, 
d'envolée, de flèche, qui ne cèdera jamais. 
Rageur, m'engouffrant dans ses plaintes, dans 
    un amas de tonnerres nasillards, 
j'en emporte comme par surprise 
tout à coup de tels accents de panique ou de bébé
     blessé, perçants, déchirants, 
que moi-même, ensuite, je me retourne sur lui,
     inquiet, pris de remords, de désespoir, 
et de je ne sais quoi, qui nous unit, tragique, et
     nous sépare.


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Mior