vendredi 25 octobre 2013

"Fitzgerald le désenchanté" de Liliane Kerjean

Lu pour ELLE


                                                                    chez Albin Michel

L'oeuvre de Fitzgerald est parue en 2 volumes de la Pléiade en 2012. Dans la note d'intention l'éditeur explique :
 " les contemporains de l'écrivain n'ont jamais vraiment su que faire ni que penser de son oeuvre, et les clichés qu'ils ont répandu (peintre habile mais superficiel,"inventeur" d'une génération, etc) ont eu la vie dure.
 Depuis, ces jugements ont été révisés à l'occasion de réévaluations successives, mais "le mythe Fitzgerald" (élaboré avec la complicité de l'intéressé) continue, dans une large mesure, à faire écran. 
Sans doute disposons-nous à présent de la distance nécessaire pour entreprendre de dégager la littérature de Scott Fitzgerald de ce qui la masque."

... peut-être ce genre de biographie, pour plaisante qu'elle puisse être à parcourir , n'aidera pas vraiment !

 Nous sommes dans le cadre d'une bio "people", parfois un peu bavarde et imprécise, et sans ambition sérieuse d'étude de l'oeuvre. Elle se lit facilement et agréablement au demeurant.
Certes, la vie est une fête et celle des Fitzgerald est à tous les sens du mot spectaculaire. Ce sont les années 20 "chez les heureux du monde", l'argent et l'alcool coulent à flot, on prend alors le transatlantique New-York/Paris couramment, et les fêlures elles-mêmes alimentent l'oeuvre tout autant qu'elles l'empêchent. 

Scott lui-même écrit (à 24 ans!) : l'histoire de ma vie est celle du conflit entre un besoin irrésistible d'écrire et un concours de circonstances acharnées à m'en empêcher. (!)

C'est cela que relate Liliane Kerjean, d'une plume alerte, ma foi.

Contexte :
Au-delà du cercle magique des littéraires et des fêtards, la société américaine est en désordre, on apprend le truquage des matchs de baseball, l'étendue des escroqueries en courtage.Charles Pozzi fait son montage en pyramide pour drainer les placements par coupons postaux, il devient millionnaire en six mois grâce à environ quarante mille investisseurs alléchés par une spéculation au rendement de 40% en quatre-vingt-dix jours, jusqu'à l'éclatement de la bulle lorsqu'on découvre le pot aux roses.  (!!) 

Zelda n'est pas épargnée :
Jugeant Zelda étrange dès le départ, Hemingway considère l'épouse de Scott comme une séductrice, une femme sans retenue. Ils ne s'apprécient guère, il la trouve pathétiquement jalouse du statut d'écrivain de talent de son homme, il la soupçonne d'entraîner Scott de dîners en fêtes, de sorties en soirées pour l'empêcher de travailler. Il la décrit avec des yeux de faucon, une petite bouche, un accent et les manières des états du Sud, quasi-condamnation de la part de cet homme de Chicago. Il remarque aussi dans cette évocation du déjeuner pris chez les Fitzgerald, rue de Tilsitt, un sourire très particulier, des yeux et de la bouche à la fois, dès qu'elle voit Scott boire du vin, sachant pertinemment qu'ensuite il ne pourra pas écrire. Cette intuition est hélas corroborée par l'actrice Louise Brooks, frappée par l'atmosphère secrétée par ce couple, par cet écrivain de génie dominé par l'intelligence destructrice de Zelda.

Anecdotes:
Au cours d'un dîner dans une auberge de St Paul de Vence, on aperçoit Isodora Duncan à une table voisine, qui donne une de ses dernières soirées en compagnie de quelques admirateurs en buvant du champagne. Scott s'assoit à ses pieds, elle lui passe la main dans les cheveux, Zelda observe la scène sans dire un mot et, tout à coup, elle se jette par dessus la rambarde de l'escalier. Choqués, les Murphy commentent après coup: "vous comprenez, ils ne recherchaient les plaisirs ordinaires, ils ne prêtaient guère attention aux bons vins où à la bonne chère, ce qu'ils voulaient c'est que quelque chose se passe."  ...

Scott part pour Hollywood en 1937, il travaillera comme scénariste pour la MGM :
En cette fin des années trente, bon gré mal gré, Scott Fitzgerald est maintenant, lui aussi, dans l'usine à rêves de l'Amérique et même du monde entier. Tout comme Raymond Chandler, John Fante, James Cain, Faulkner, Hemingway, Capote,  Sam Shepard et tous les autres qui ont été, à un moment ou un autre de leur vie, les nègres d'Hollywood, les forçats qui, fortune faite ou non, ont déchanté et fui.
...Tous les écrivains, tous les compositeurs, même s'ils sont illustres, même s'ils sont payés de 20 à 50 000 francs par semaine, doivent produire dans leurs bureaux numérotés. Leur présence est exigée depuis neuf heures du matin aussi strictement que par un pointage.

Scott écrivait en 1922 (à 26 ans, certes...) :
Je n'aime pas les gens vieux. Ils parlent toujours de leur "expérience"-et très peu d'entre eux en ont une. En fait, la plupart d'entre eux persistent à répéter les mêmes erreurs à cinquante ans et à croire le même liste immaculée de mensonges à vingt carats certifiés qu'ils croyaient à l'âge de dix-sept ans. Et tout commence avec ma vieille amie vulnérabilité.

Il s'écroule en 1940, à 44 ans...

Une note pour ELLE : 13 (assez bien)

Mior.

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