mardi 3 décembre 2013

Mademoiselle Merquem , de George Sand

chez Babel 
...la petite toile de couverture est de George herself  !
(Le Canot , détail)  

C'est désuet , c'est naïf , c'est un conte, c'est délicieux.

Quand George Sand commence  Mlle Merquem, à l'été 1867 , elle a soixante-trois ans.
 Elle est attristée par la mort de son ami de longue date François Rollinat .
 Peut-être a t elle envie de se remonter le moral avec une petite fable bucolique ?
 En Septembre , elle s'en va observer la côte normande qui sert de cadre au récit, comme un peintre va sur le motif.

 A son ami Gustave Flaubert : 
"Je voudrais que, dès à présent, si tu as un moment pour m'écrire, tu me dises où il faut que j'aille passer trois jours pour voir la côte normande sans tomber dans les endroits où va le monde. J'ai besoin , pour continuer mon roman , de voir un paysage de la Manche, dont tout le monde n'ait pas parlé, et où il y ait de vrais habitants chez eux, des paysans, des pêcheurs, un vrai village dans un coin à rochers (...) Tu m'as dit que cette population des côtes était la meilleure du pays, qu'il y avait là de vrais bonhommes trempés. Il serait bon de voir leurs figures, leurs habits, leurs maisons et leur horizon (...) Il me suffit de voir, pour ne pas mettre un coup de soleil à faux."

En effet le décor compte beaucoup : un village de pêcheurs , une châtelaine restée mystérieusement vieille fille alors même qu'elle semble être la femme idéale, instruite , attentive à la vie de "ses" paysans,  délicate et virile tout à la fois ( c'est elle qui mène les opérations de sauvetage en mer, habillée en homme !) et un parisien de vingt cinq ans qui vient rendre visite à sa tante à la campagne... 

En fait, George Sand crée son héroïne, et son histoire, comme on fait une démonstration : idéaliste et romanesque, elle n'accorde pas beaucoup d'importance au réel. Elle ne voit pas les choses comme elles sont mais comme elles devraient être ! et brode le conte sur ce canevas. 
C'est l'éducation sentimentale du jeune narrateur, Armand, et de Célie (qui en fait n'était vieille fille que "pour de rire"! ) qui va être le prétexte à cette fabulette champêtre (mais pas mièvre je vous assure).

Célie Merquem n'est pas , à la façon d'Eugénie Grandet, la victime frustrée d'un drame bourgeois (...) Il y a ici plus d'optimisme, plus de subtilité peut-être (mais plus de morale) plus de souci aussi de lier un destin à celui d'une société. Célie l'admirable est une demoiselle que Sand, par idéalisme, a voulue peu commune, mère symbolique de tout un village au bord de l'eau, et femme en devenir -attendant de recevoir du masculin (c'est à dire d'un désir qui passe par l'amour et le garantit) sa véritable raison d'être (...)
 L'auteur s'offre de plus le plaisir de prendre (une fois encore) la voix d'un jeune homme. 
(d'après la très bonne présentation de Martine Reid)

Deux idéaux : celui d'une "vraie vie" pour les femmes (les amenant à contracter des mariages d'amour...ou pas de mariage du tout!) et celui d'une vie à la campagne comme idéale , dans une communauté sorte de phalanstère tout d'intelligence et de pensée sociale. Comme dans un rêve , le réel est éclipsé pour un temps.
On est dans l'utopie heureuse, pas dans le rousseauïsme béat, George a parfois le coup de griffe rapide, et beaucoup d'humour. Certains personnages secondaires sont formidables, comme Stephen le peintre qui serait une "transposition " de Flaubert : 

- Au fait , il n'y a rien de plus chaste que le regard d'un peintre, vous avez raison. Eh bien, cette demoiselle est une...Comment vous dirai-je ? ce n'est certainement pas une poseuse; c'est une toquée, et, en vous disant ça,je vous fais son éloge en un mot, je la canonise. Il n'y a de bon en ce monde que les toqués. (Stéphen)

- Je suis de votre avis; mais en quoi vous a-t-elle parue toquée? (Armand)
-En ce qu'elle vit à sa guise et s'amuse comme elle l'entend. C'est de la sagesse, ça, par conséquent de l'excentricité. Vous savez bien qu'elle va en mer presque tous les jours(...) Elle adore la mer; ça , c'est un bon point ! Elle aime le danger: je n'aime pas beaucoup ça chez une femme, moi, parce que,quand les femmes se mettent à être quelque chose, ce n'est jamais à demi. Braves , elles deviennent téméraires, enragées même, et vous traitent de capon l'homme le plus courageux.

(...)


On se sépara bourgeoisement à minuit. Les voitures avaient le mot d'ordre à l'avance. Tout était prêt dans la cour quand nous descendîmes le perron. Ces départs sont charmants par une belle nuit d'été, à la campagne. On se dit adieu, on cause à la portière ou le pied à l'étrier, comme si chacun entreprenait un voyage. Les chevaux s'impatientent, les chiens aboient, les coqs chantent et prennent la lumière des flambeaux pour celle de l'aurore. On franchit la grille en se jetant des rires et des paroles sans suite, et puis on se disperse dans l'ombre , et chaque équipage fuit en emportant ses deux étoiles, qui semblent s'éteindre et se rallumer en traversant les buissons noirs .


Quel plaisir ! 
Je reviendrai vous rendre visite sous peu , chère George ...
MIOR

5 commentaires:

  1. je n'ai pas lu bcp de livres de cette auteure, il faudrait que je m'y replonge!

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    1. celui ci est délicieux , il est peu connu je crois mais se trouve grâce à cette ré édition en Babel
      Merci de ta visite , Eimelle !
      (je me demande si nos pseudos ne cachent pas le même prénom!!)
      Mior

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  2. Très beau roman en effet et pour une fois qu'on a accès aux romans de George Sand en poche il ne faut pas se priver !

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  3. whaouh , trop drôle , on est en train de s'écrire en même temps !! c'est le fantôme de George qui s'amuse avec nous;)

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Merci de votre visite, et de votre commentaire ;-)
A bientôt !
Mior