dimanche 28 juin 2015

" Il pleuvait des oiseaux " de Jocelyne Saucier

" J'aime les histoires, j'aime qu'on me raconte une vie depuis ses débuts, toutes les circonvolutions et tous les soubresauts dans les profondeurs du temps qui font qu'une personne se retrouve soixante ans, quatre-vingts ans plus tard avec ce regard, ces mains, cette façon de vous dire que la vie a été bonne ou mauvaise " (p.25)

C'est l'une des protagonistes de cette histoire qui parle ainsi ; mais on mettrait volontiers ces mots dans la bouche de Jocelyne Saucier, canadienne du Grand-Grand-Nord du pays, croisée par hasard et par chance au Festival America de Septembre dernier. 
Je ne raffole guère des rencontres avec les auteurs ; ici , le dispositif en table rondes avec une problématique un peu large permettait de dépasser l'exercice pénible de la stricte promotion. Jocelyne Saucier, petite femme à la bonne bouille "à la Sempé" et à l'accent pittoresque, avait ainsi raconté s'être découvert sur le tard une parente à qui sa vie avait été volée : elle avait passé la majeure partie de celle-ci internée à tort en HP. L'auteur en avait été choquée et bouleversée...et voici la genèse du personnage de Marie-Desneige, qui illumine ce livre.

Si vous n'aimez pas les vieux, passez votre chemin, ici ils sont quatre, ayant pour des raisons différentes fait sécession avec la société : ils se sont retirés en pleine nature, dans des abris assez sommaires, au profond d'une forêt bien au nord du pays.
Certains sont des rescapés des Grands Feux de 1916 , qui ravagèrent l'Ontario et effacèrent plusieurs villages de la carte (et expliquent l'étrange titre ).
De grands traumatisés mais également de formidables résiliants, et parmi eux un artiste. Cette mini-communauté au départ exclusivement mâle va se trouver bouleversée par l'arrivée -ou faudrait-il dire l'irruption- de deux femmes... 


C'est un peu improbable , mais c'est qui fait tout le sel de l'affaire, ce côté Papy-Into-The Wild ! Pas de lourde fable écolo mais bien plutôt une fable humaniste, où l'on garde dans un pot à gros sel un peu de strychnine -grâce à un passé de chasseur- afin d'être sûr de pouvoir quitter cette vie quand on le décidera. Ou l'entraide et le retour aux valeurs essentielles semblent opérer des miracles, sous l'apparente bougonnerie de ces taiseux. Bref, "une bande de frais vieillards"  (Le Monde) bien réjouissante !



Je n'ai pas envie d'en raconter trop, pour que le charme du récit opère si comme moi vous profitez de la sortie en poche de cet opus (couverture beurk !) dont il me semble qu'il a été largement apprécié et commenté sur les blogs Cathulu,  Aifelle, L'or rougeLa cause littéraire , parmi beaucoup d'autres.

Le récit est bien troussé, et ma foi, c'est une bien jolie histoire que nous compte là la cousine canadienne. Ils sont revigorants ces papys marginaux !

Le bonheur a besoin simplement qu'on y consente  (p.216)

Avec quelques surprises et une fin optimiste, une histoire qui fait du bien.
Et ce n'est déjà pas si mal, ne trouvez vous pas ? 

MIOR.  

Ici une interview de l'auteur, assez générale, et ici une autre , plus axée sur le bouquin.  

26 commentaires:

  1. C'est que la couverture n'est pas top mais c'est chouette qu'il soit sorti en poche. J'ai beaucoup aimé aussi.
    Son tout dernier (les héritiers de la mine) est bien aussi. Très différent.

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    1. oui, j'ai vu que tu l'avais chroniqué ; tu dis "lumineux" à propos de "il pleuvait" et je trouve cet adjectif bien choisi
      L'auteur est très sympathique (accessoirement ;-)

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  2. J'ai hâte de le lire ; une copine blogueuse québécoise me l'a offert dernièrement (avec "Les héritiers de la mine"). Vive l'idée d'une sécession de papis into the wild :D

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  3. on en aurait presque moins peur de vieillir : ces gens-là sont partis à leur propre rencontre sur le tard :-)

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  4. Mior, je suis contente que tu en parles, mais surtout, que tu aies aimé ta lecture. Parmi les trois romans de Jocelyne Saucier que j'ai lus, celui-ci est de loin celui que j'ai préféré. Lumineux, en effet!

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    1. oh oui c'est un joli bouquin. Il a rencontré pas mal de succès ici je crois, et c'est justice. Un livre d'une lecture facile mais profond.

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  5. Tu es tout à fait convaincante ! Sais-tu d'où vient se titre aussi surprenant que poétique ?

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    1. oui: lors de ces grands incendies, l'oxygène venait tellement à manquer dans l'air que les oiseaux tombaient asphyxiés, d'où cette phrase recueillie auprès d'une survivante. Moi , tu vois c'est idiot , ce titre m'a longtemps tenue à distance car je ne le comprenais pas et j'y voyais quelque chose d'obscur et de poétique , bref du "pas pour moi" !

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  6. Aspho aussi avait fait une très belle chronique de ce livre. Depuis qu'Aifelle l'avait pépité, je j'avais noté, même si j'avais quand même assez peur du côté très étrange que j'avais l'impression d'y voir. Mais le terme de lumineux est pour moi la plus belle des promesses...

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    1. non, Galéa, c'est un feel-good-bouquin, même si les protagonistes ont traversé des épreuves terribles. On les trouve dans la dernière partie de leur vie ...qui sera la plus heureuse ! Il y a un petit côté fable utopique sur la gde vieillesse qui est réjouissant je t'assure

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  7. Je note que c'est en poche (la liste des 'poche' s'allonge)

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    1. une couverture à faire fuir ...mais il ne faut pas !

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  8. Et voilà, à peine de retour, et déjà un livre noté... et dire que j'ai en projet de réduire ma PAL, c'est très très mal parti...

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  9. Je retiendrai : "faire sécession avec la société" et "Papy into-the-wild" de ton billet ;)
    Je ne sais trop pourquoi, mais j'y ai associé ces phrase d'une chanson de Georges Brassens : "Note ce qu'il faudrait qu'il advînt de mon corps, lorsque mon âme et lui ne seront plus d'accord, que sur un seul point : la rupture". ;)

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    1. ...mais quelle belle association d'idée ! Le bouquin est dans cette veine là en effet

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  10. Je n'ai rien contre les histoire de vieux, ni contre celles qui font du bien ! Je note !

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    1. c'est écrit d'une plume à la fois modeste (mais efficace) et sensible

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  11. J'ai beaucoup aimé ce roman, mais j'ai l'impression que mon billet ne le faisait pas ressentir puisque d'après les commentaires les autres blogueurs me sentaient mitigée. Alors que pas du tout !

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    1. comme toujours , j'ai adoré "apprendre quelque chose" : cette terrible histoire des grands feux qui ont traumatisé cette région

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  12. J'ai beaucoup aimé ce roman et je compte bien mettre la main sur celui conseillé par keisha : " Les héritiers de la mine".

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  13. J'ai beaucoup aimé aussi, et j'ai son nouveau qui m'attend !

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  14. J'ai tellement aimé... un petit bijou ce roman que j'ai offert et qui en a enchanté d'autres encore !

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    1. j'aime ce genre de récit doucement utopique ... ici la vieillesse n'est pas un naufrage , ah non ! On aimerait y croire ;-)

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Mior