dimanche 29 juillet 2012

La dernière à gauche en montant de Michèle Manceaux


Editions Nil .  189 pages  , 18 euros.

    Dans ce récit au ton alerte et au format resserré , Michèle Manceaux , journaliste et grand reporter , intellectuelle et féministe engagée, relate la relation intense qui s’est tissée entre la maison qui fut la sienne pendant 44 ans et elle-même.

 Une maison à la campagne , pas une maison de campagne .   
   
Elle l’achète en 1963 , par un heureux hasard , l’héritage qu’elle perçoit d’un père qu’elle n’a pas connu, et qu’il lui parait tout naturel de placer dans de la pierre , elle, l’enfant baptisée par prudence à la veille de la 2nde guerre mondiale et ballottée de pension  en pension pendant toute son enfance.

Elle nous narre avec esprit et une nostalgie bien tenue à distance,  les hommes , les amis et surtout les enfants qui vont faire vivre cette maison.Il y aura aussi les voisines, dont la caustique Marguerite Duras , qui compteront. Bien des gens connus, mais aussi beaucoup d'anonymes hauts en couleur. 
                                                                                                                                                                                     
Michèle Manceaux va animer cette grande tribu , et gérer une curieuse famille recomposée,  avant même que ça ne soit la mode.  Beaucoup de moments  joyeux  , beaucoup de création , mais également beaucoup de drames ...

Puis … les enfants et petits- enfants (encore plus  important ) grandissent , partent vivre à l’étranger, ne se sentent plus spécialement « connectés » à ce lieu.                               
La maison , coquille vide , pèse trop lourd dans le budget , les morts sont peut-être aussi trop nombreux maintenant pour qu’elle demeure  tout à fait la même, elle est un lieu « marqué » en tout cas.    
                                                                          
 Michèle Manceaux décide de s’en séparer , soit disant sans regret mais à mon sens la mort dans l’âme…

« A Neauphle,  je n’ai rien à découvrir et je ne regrette rien. C’est là le plus violent : je voudrais y poursuivre l’aventure. Il y a peut-être  encore quelque chose à construire, à inventer. J’ai l’impression de massacrer le futur, de finir avant la fin . Je bousille à la fois les fondements et l’avenir d’un projet qui aurait pu se révéler magnifique. Il aurait fallu peut-être  attendre plus longtemps »

Pour qui a connu de ces séparations matérielles et symboliques lourdes de sens , le ton sonne juste et l’élégance prévaut dans la façon de raconter .   
   
C’est une vie bien remplie qui s’est déroulée là , et la phrase d’Hanif Kureishi qu’a choisi M.Manceaux  en exergue de l’ouvrage  « si on ne quittait jamais rien, ni personne , il n’y aurait pas de place pour la nouveauté » n’est pas exempt d’une forme d’humour un peu cruel.

«Ce sont les enfants qui donnent la vie. Ni les pères, ni les mères. Interaction. On les tient et ils nous tiennent. Ils nous obligent à repartir. On aura compris que pour moi une maison sans enfants ressemble à un hangar »

« Pourquoi vouloir effacer ce qui fut si joli ? Pour que cela n’ait pas eu lieu… Ce qui n’a pas eu lieu ne peut pas se terminer. J’avais l’impression que je serais moins désolée si j’oubliais tous ces bonheurs qui me revenaient indépendants de mon désir de ne plus m’en souvenir . Le passé ne console pas du présent »

Ce n’est pas un livre triste , quoique les citations que j’ai choisies le puissent faire penser 

C’est toute une vie , non expurgée , tendre et dramatique . Un beau récit !

Mior 

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