Editions Nil . 189
pages , 18 euros.
Dans ce récit au ton alerte et au format
resserré , Michèle Manceaux , journaliste et grand reporter , intellectuelle et
féministe engagée, relate la relation intense qui s’est tissée entre la maison
qui fut la sienne pendant 44 ans et elle-même.
Une maison à la campagne , pas une maison
de campagne .
Elle l’achète en 1963 , par un
heureux hasard , l’héritage qu’elle perçoit d’un père qu’elle n’a pas connu, et
qu’il lui parait tout naturel de placer dans de la pierre , elle, l’enfant
baptisée par prudence à la veille de la 2nde guerre mondiale et ballottée
de pension en pension pendant toute son
enfance.
Elle nous narre avec esprit et une nostalgie bien tenue à
distance, les hommes , les amis et surtout les enfants qui vont faire
vivre cette maison.Il y aura aussi les voisines, dont la caustique Marguerite Duras , qui compteront. Bien des gens connus, mais aussi beaucoup d'anonymes hauts en couleur.
Michèle Manceaux va animer cette grande tribu , et gérer une
curieuse famille recomposée, avant même que ça ne soit la mode. Beaucoup de moments joyeux , beaucoup de création , mais également
beaucoup de drames ...
Puis … les enfants et petits- enfants (encore plus important ) grandissent , partent vivre à
l’étranger, ne se sentent plus spécialement « connectés » à ce lieu.
La maison , coquille vide , pèse trop lourd dans le budget , les morts sont peut-être aussi trop nombreux maintenant pour qu’elle demeure tout à fait la même, elle est un lieu « marqué » en tout cas.
La maison , coquille vide , pèse trop lourd dans le budget , les morts sont peut-être aussi trop nombreux maintenant pour qu’elle demeure tout à fait la même, elle est un lieu « marqué » en tout cas.
Michèle Manceaux décide de s’en
séparer , soit disant sans regret mais à mon sens la mort dans l’âme…
« A
Neauphle, je n’ai rien à découvrir et je
ne regrette rien. C’est là le plus violent : je voudrais y poursuivre
l’aventure. Il y a peut-être encore
quelque chose à construire, à inventer. J’ai l’impression de massacrer le
futur, de finir avant la fin . Je bousille à la fois les fondements et
l’avenir d’un projet qui aurait pu se révéler magnifique. Il aurait fallu
peut-être attendre plus longtemps »
Pour qui a connu de ces séparations matérielles et
symboliques lourdes de sens , le ton sonne juste et l’élégance prévaut dans la
façon de raconter .
C’est une vie bien remplie qui s’est déroulée
là , et la phrase d’Hanif Kureishi qu’a choisi M.Manceaux en exergue de l’ouvrage « si on ne quittait jamais
rien, ni personne , il n’y aurait pas de place pour la nouveauté » n’est
pas exempt d’une forme d’humour un peu cruel.
«Ce sont les enfants
qui donnent la vie. Ni les pères, ni les mères. Interaction. On les tient et
ils nous tiennent. Ils nous obligent à repartir. On aura compris que pour moi
une maison sans enfants ressemble à un hangar »
« Pourquoi
vouloir effacer ce qui fut si joli ? Pour que cela n’ait pas eu lieu… Ce
qui n’a pas eu lieu ne peut pas se terminer. J’avais l’impression que je serais
moins désolée si j’oubliais tous ces bonheurs qui me revenaient indépendants de
mon désir de ne plus m’en souvenir . Le passé ne console pas du présent »
Ce n’est pas un livre triste , quoique les citations que j’ai
choisies le puissent faire penser
C’est toute une vie , non expurgée , tendre et dramatique .
Un beau récit !
Mior
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