Ce livre m'attendait sagement dans ma Pal depuis un bon moment, et des amies de mon club de lecture m'en avaient plusieurs fois parlé avec une sorte d'effroi et d'extase mêlés dans la voix...
L'histoire : Londres,dans les dernières années du 19ième siècle.
Maisie, six ans, est l'enfant unique d'un couple désuni.
Le jugement de divorce intervint " et disposa de la fillette d'une manière digne du tribunal de Salomon. Elle était coupée par moitié, et les tronçons jetés impartialement aux deux adversaires.(..)
Chaque spectateur se se rendait clairement compte que le seul lien entre son père et sa mère était cette situation qui la transformait en une coupe d'amertume, une profonde petite tasse de porcelaine où de mordants acides pouvaient être versés. Ses parents n'avaient pas voulu d'elle pour le bien qu'ils pourraient lui faire, mais pour le mal qu'ils pourraient se faire l'un à l'autre, grâce à son aide inconsciente. Elle servirait leur colère et scellerait leur vengeance (...) nous annonce tout bonnement le narrateur dans le prologue.
Henry James a ailleurs expliqué la genèse de l'œuvre :
"quelqu'un avait par hasard mentionné devant moi, la manière dont la situation de la enfant d'un couple divorcé avait été affectée par le remariage d'un de ses parents... La loi de sa petite vie, cette alternance des séjours chez le père et chez la mère, se trouvait contrariée par la mauvaise volonté du nouveau conjoint. Alors que jusque là le père et la mère se seraient disputé agressivement l'enfant, soudain l'époux remarié ne penserait plus qu'à s'en débarrasser et à la laisser, au-delà du temps prescrit, sur les bras de l'adversaire ; acte de mauvaise foi qui éveillerait le ressentiment de l'autre et lui inspirerait le désir de se venger par une tricherie de même nature. La pauvre enfant se trouverait ainsi pratiquement désavouée, rebondissant de raquette en raquette comme une balle de tennis ou un volant. Cette image ne pouvait que toucher l'imagination et lui apparaître comme le commencement d'une histoire...Je me souviens d'avoir aussitôt pensé que, pour assurer une symétrie convenable, le second conjoint devrait se remarier aussi."
Tant de noirceur , d'inconstance et de cruauté ne seraient pas si modernes finalement ... Et ce qui serait plutôt de notre temps serait la notion d'intérêt supérieur de l'enfant et le respect que l'on cherche à lui garantir en tant que personne à part entière, dans les jugements de divorce contemporains.
Alors, certes, le sujet semble passionnant, quoique malsain et inconfortable.
Mais,fichtre, que ce récit m'a semblé long ! De fait , pas loin de quatre cents pages.
Il faut dire qu'il a paru d'abord en feuilleton, en 1897, ceci explique peut-être cela.
On ne saurait probablement incriminer la traduction de Marguerite Yourcenar, mais le style est curieusement inégal, tantôt fulgurant mais aussi parfois un peu flou au contraire (il m'est arrivé de relire plusieurs fois une phrase pour comprendre ce qu'elle voulait vraiment dire)
La narration prétend représenter le point de vue de Maisie, son ressenti ; ce but n'est que partiellement atteint, à mes yeux, tant il est difficile de parler pour un enfant, en son nom. Ce qui est vrai en revanche, c'est qu'on finit par se sentir comme elle totalement désorienté, bousculé, déstabilisé. Nié pratiquement. Maisie devient tour à tour un enjeu et un boulet pour des parents indignes et des beaux-parents qui ne le sont pas moins. Immatures, inconstants, égocentriques et vains. Un vrai jeu de massacre ... aucun adulte n'en sort grandi.
Mais le côté bavard et redondant de l'oeuvre m'a gênée. Je crois que je ne comprends pas bien le Henry James de la maturité, qui est pour moi une sorte de Proust anglo-américain (intelligence et introspection) ...mais avec un coeur froid.
Je lui préfère le jeune Henry James, qui m'avait tant enchantée l'été dernier avec "Washington Square" (1880) : pas un mot de trop, du "dégraissé", et pourtant sulfureux déjà, ô combien...
Enfin , voilà, dans la série "Mior révise ses classiques", il me reste la fierté d'être allée jusqu'au bout !
J'ai prévu de réviser quelques classiques moi aussi, ça fait toujours du bien.
RépondreSupprimerN'est ce pas ...
RépondreSupprimerJ'ai tellement de retard niveau classique, que je vais laisser celui là de côté :-)
RépondreSupprimer"Washington Square" se lit très vite, en revanche . C'est vraiment mon conseil pour commencer avec Henry James
RépondreSupprimerIl ne me tente pas du tout tu sais (en même temps je t'ai connue plus enthousiaste), ça a un côté glauque cette gamine entre deux parents remontés de haine (bref pas pour moi). Tu sais qu'en classique, je lis Jane Austen, Orgueil et Préjugés....je ne m'y étais jamais frottée (merci le mois anglais)
RépondreSupprimerJe ne peux pas te démentir, c'est un peu glauque !
Supprimerquatre cents pages vraiment ?je me serais contenter d'une lecture verticale, à la va vite et vu le prologue, ça ne m'interesse pas tant que ça
RépondreSupprimerJe ne lis jamais en diagonale, au pire j'abandonne le livre ...ce que j'ai longtemps eu du mal à faire !
RépondreSupprimerLes classiques sont souvent un peu plus ardus, c'est clair.
Et tu eux en effet être fière !! Je ne peux pas en dire autant ! J'ai tenté à deux reprises de lire ce roman et je l'ai refermé avant la fin à chaque fois ... oui que c'est long et le style est assez lourd en plus pourtant j'aime bien Henry James et le sujet m'intéressais aussi !
RépondreSupprimerIl me reste maintenant à découvrir " le tour d'écrou" , livre quasi mythique , qui se languit dans ma Pal depuis trop longtemps...
RépondreSupprimerOuch Henry James ! J'ai eu une mauvaise expérience avec lui et Le tour d'écrou. Quelle déception que cette lecture qu'on m'avait tant vantée ! Ce que tu dis au sujet du style pour ce titre que tu as lu, je l'ai ressenti aussi au sujet du Tour d'écrou. Certains personnages ne me semblaient pas crédibles non plus, bref j'ai eu du mal à en venir à bout et je ne suis pas certaine de retenter Henry James de si tôt !
RépondreSupprimerZut...j'essaierai quand même le Tour d'Ecrou et je te dirai ;)
RépondreSupprimerJ'ai été enthousiasmée par " Washington Square" du même auteur , en revanche , que j'ai chroniqué ici (été 2012, je me suis tellement régalée que je me rappelle exactement où j'ai dévoré ce bouquin, et en 48heures ! )