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jeudi 12 mai 2016

" Villa Amalia " de Pascal Quignard

Afficher l'image d'origine- Je n'ai jamais pu supporter les gens qui se prétendent heureux.
- Pourquoi ?
- Ils mentent. Cela me fait peur.




Ce billet ne va pas être facile à écrire...
J'ai eu avec ce livre des émotions fortes , et contrastées. 
Beaucoup de mal au début, tant tout me semblait "romanesque" dans l'univers que campe Pascal Quignard dans les premières pages :
dans les premiers jours de Janvier, une femme approchant la cinquantaine , musicienne, compositrice plus exactement, décide assez brutalement de quitter son compagnon, et tout ce qui faisait sa vie jusqu'à présent. Elle n'a pas d'enfants, est seule propriétaire de sa maison parisienne qu'elle décide de vendre sans même lui en faire part (légère impression d'irréalité). Elle va orchestrer son départ comme une fuite, une cavale, ayant soin d'effacer toute trace, et de se fondre littéralement dans le paysage.

C'était un caractère très étrange : extraordinairement passive. Presque contemplative. Mais cette apparence d'inertie contenait une activité propre. Elle était profondément calme, calme sans aucune sérénité, calme de façon inlassable, opiniâtre, à tout instant concentrée. Elle n'obéissait à personne mais commandait encore moins à qui que ce fût. (p.35)

Elle ne supportait plus la présence de Thomas. Odeurs, retours, attentions, présence mendiante, bruits, linge sale, coups de téléphone, tout l'offensait.(p.77)

Ce n'était pas seulement un homme qu'elle quittait mais sa passion. C'était une façon de vivre sa passion qu'elle quittait. (p.93)

Le 20 Janvier le compte à rebours commença à s'effilocher et à hésiter. A force de consacrer son temps à ces rangements furtifs, à force de jeter en cachette, à force de préméditer le vide, une vague de détresse la submergea de manière progressive. Il est difficile de se séparer de ce qu'on a aimé. Il est encore plus problématique de se séparer de soi ou de l'image de soi. (p.73)

Deuxième partie : après une errance de quelques semaines en Europe - sa façon de "quitter le monde" - elle arrive à Naples et plus précisément sur l'île d'Ischia. C'est un coup de foudre, une révélation , une communion de tous les instants avec les paysages, la nature , la mer...et une plongée dans la solitude voulue, aimée, réclamée par son corps et son esprit. 

- Je me sens parfois très seule et je commence à aimer énormément cela. (p.117)

Elle avait l'air magnifique d'une femme qui ne pense jamais à l'impression qu'elle peut produire.

Il y a un plaisir non pas d'être seule mais d'être capable de l'être (p.295)

Tout ce bonheur culmine dans la découverte d'une maison, petite , simple, abandonnée, avec une terrasse à la vue inouïe, qu'elle investit totalement. La communion avec le site est totale.

Quelque chose, aussi intense qu'immédiat, l'accueillait à chaque fois qu'elle arrivait sur le surplomb de lave . C'était comme un être indéfinissable, euphorisant, dont on ne sait par quel biais on se voit reconnue par lui, rassurée, comprise, entendue, appréciée, soutenue, aimée . (p.136)

3ième partie : Ann redécouvre de l'amour auprès d'un homme, Leonhardt , de son enfant -Léna, une petite fille de deux ans-, puis d'une jeune femme, Giulia. 
Je ne divulgâcherai aucunement ce passage riche en péripéties et en drames...

4ième partie : ce sont les Adieux , en quelque sorte, la finitude de toute chose par la séparation ou par la mort...et une forme de sérénité au bout du chemin, vingt ans plus tard...

J'ai beaucoup cité l'auteur dont la langue est extraordinairement remarquable, bien sûr.  
On tombe à chaque instant sur des pépites, des phrases que l'on a envie de dire à haute voix puis de noter précieusement. 

Le livre est riche de bien des paradoxes : 
c'est un roman romanesque, quoique tout soit plausible ; il est juste un peu "plus" que la vie, pourrait-on dire...
c'est une sorte de mélo froid et bouleversant (Ann n'est pas à proprement parler "sympathique", sa quête d'absolu l'aiguisant comme une lame ; c'est une héroïne qui souffle le froid et le chaud, en somme, ce qui peut tenir à distance )
c'est très intello mais aussi ancré dans la chair ( pas mal de scènes de resto ...à chaque fois on a le menu, et on salive : pigeon aux fèves, lotte à la crème de laitue, bar aux trompettes de la mort , langoustes et étrilles...)
c'est plein de silence , mais également de musique (que Quignard connait bien, et dont il parle bien)
c'est une littérature très raffinée voire précieuse mais avec beaucoup de dialogues dans une langue simple (ce n'est pas un livre difficile d'accès)
c'est empreint d'une grande mélancolie, mais plein de force également.

Afficher l'image d'origineC'est un livre que je viens de lire deux fois de suite. 
Et que je pense que je relirai encore. 
C'est un livre qui opère un charme, assurément...

Je le vois peu dans la blogo. Je m'étonne.

MIOR.