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dimanche 31 janvier 2016

" Avril enchanté " d'Elizabeth Von Arnim

Tout commença dans un club féminin de Londres, une après-midi de février -le club était inconfortable, l'après-midi morose- lorsque Mrs Wilkins, qui était descendue de Hampstead pour faire des courses et venait de finir son déjeuner, ouvrit le Times et tomba sur la petite annonce suivante :
   A tous ceux qui aiment les glycines et le soleil.Italie. Mois d'Avril. Particulier loue petit château médiéval meublé bord   Méditerranée. Domesticité fournie. Répondre au Times sous la référence Z1000

 Avril enchanté

Si comme moi, l'eau vous monte à la bouche en lisant ces premières lignes, vous aurez peut-être envie de découvrir Elizabeth Von Arnim, cousine de Katherine Mansfield , née en 1866 en Australie, élevée à Londres, ayant longtemps vécu à Berlin et en Poméranie auprès de son premier époux, auteur d'un grand succès de librairie  "Elizabeth et son jardin allemand" qui sera suivi de vingt et un romans ; la belle a ensuite une liaison tapageuse avec H.G.Wells,  contracte un second mariage qui semblerait n'avoir été guère heureux, vit un peu en France , en Suisse aussi, meurt aux Etats-Unis ...et est classée auteur anglaise, de part sa langue d'écriture
Ca vous a un petit côté "chez les heureux du monde" , tout de suite , là, non ?...

Las, le sens de l'humour peut se rassir et les situations se dater irrémédiablement ; si le départ de trois jeunes femmes et d'une douairière pour une Italie de rêve donne souvent à sourire en effet, une fin digne d'une opérette m'a franchement gâté le plaisir. Rétrospectivement.

Si deux de ces dames fuient des mariages devenus pathétiquement ternes, une autre cherche un lieu où elle pourrait se reposer de sa vie mondaine (si si) la quatrième vient chauffer ses rhumatismes au soleil à peu de frais ; sous l'influence du bon soleil italien et d'une dose de dépaysement jusque là inconnu, tous vont se métamorphoser, l'acariâtre devenir bonne, la jolie-mais-qui-ne-rêve-que-de-tranquillité (re)tomber amoureuse, et les deux épouses ...rappeler leurs maris, dont les écailles tombent des yeux afin qu'ils découvrent comme elles sont délicieuses ces petites dames ...
Whouff, comment dire, ce genre de happy end il faut savoir l'amener ! Bon, il me faudrait une option B, là, pour la fin, Elizabeth, retravaillez moi ça et enlevez moi une cinquantaine de pages au passage, voulez vous ?

Tout n'est pas à jeter, loin de là, mais dans le genre anglais, léger et légèrement iconoclaste on a fait beaucoup mieux je pense (oui, je pense par exemple à "Toute passion abolie" de Vita Sackville-West ;-)

Le premier personnage du roman, c'est bien le jardin , lui est toujours authentique et convaincant; on hume de délicieux parfums, on se promène paresseusement, on s'écroule dans une chaise longue sous l'ombre d'un canisse, on fait provision de soleil... 
Ce livre peut de ce point de vue remplacer avantageusement une cure de vitamine D , pensez y :-)

Extraits : 
Les observations de Mrs Wilkins avaient été très mal reçues par Mrs Fisher. Chaque fois que cette femme ouvrait la bouche c'était pour dire quelque chose qu'il eut mieux valu garder sous silence. Dans le cercle que fréquentait Mrs Fisher on n'évoquait pas son mari à tout propos. Autour de 1880, sa grande époque, les maris étaient pris très au sérieux -il n'existait pas d'autre remède contre le péché. Des lits non plus on ne parlait, quand vraiment on ne pouvait l'éviter, qu'avec un luxe de précautions oratoires. En tout cas jamais on ne se serait permis de faire apparaître dans une même phrase un lit et un mari.

...A cette pensée elle s'était sentie esseulée. Elle désirait passionnément être seule, mais redoutait l'esseulement plus que tout. A aucun prix elle ne voulait plus sentir en elle cette douleur, cette brûlure de la solitude qui l'avait toujours poussée à courir les réceptions, les soirées. Et depuis quelque temps, même les soirées les plus mondaines semblaient ne plus offrir qu'une mince protection contre le mal qui la rongeait. Etait-il possible que la solitude ne fût pas le fruit des circonstances, mais d'une disposition intérieure ?  

...elle était seule comme tous ceux qui, ayant épuisé le temps qui leur avait été imparti sur terre, ne sont plus là qu'en surnombre, seule comme une vieille femme sans enfants ni amis. Il semblait que les mortels ne pouvaient être heureux que par deux, par paires -n'importe quelle paire, pas nécessairement des paires d'amants mais des paires d'amis, de mères et d'enfants, de frères et de soeurs- , et Mrs Fisher n'avait évidemment pas de quoi composer une paire de quoi que ce fût.

En général , tout le monde adore, la dernière qui l'a dit c'était Athalie 

MIOR. 

 

dimanche 25 mai 2014

" Ce que savait Maisie " d 'Henry James



Ce que savait Maisie par James
Bon sang, pourquoi ai-je eu tant de mal ?...
Ce livre m'attendait sagement dans ma Pal depuis un bon moment, et des amies de mon club de lecture m'en avaient plusieurs fois parlé avec une sorte d'effroi et d'extase mêlés dans la voix...

L'histoire : Londres,dans les dernières années du 19ième siècle. 
Maisie, six ans, est l'enfant unique d'un couple désuni. 

Le jugement de divorce intervint " et disposa de la fillette d'une manière digne du tribunal de Salomon. Elle était coupée par moitié, et les tronçons jetés impartialement aux deux adversaires.(..) 
Chaque spectateur se se rendait clairement compte que le seul lien entre son père et sa mère était cette situation qui la transformait en une coupe d'amertume, une profonde petite tasse de porcelaine où de mordants acides pouvaient être versés. Ses parents n'avaient pas voulu d'elle pour le bien qu'ils pourraient lui faire, mais pour le mal qu'ils pourraient se faire l'un à l'autre, grâce à son aide inconsciente. Elle servirait leur colère et scellerait leur vengeance (...) nous annonce tout bonnement  le narrateur dans le prologue.

Henry James a ailleurs expliqué la genèse de l'œuvre :
"quelqu'un avait par hasard mentionné devant moi, la manière dont la situation de la  enfant d'un couple divorcé avait été affectée par le remariage d'un de ses parents... La loi de sa petite vie, cette alternance des séjours chez le père et chez la mère, se trouvait contrariée par la mauvaise volonté du nouveau conjoint. Alors que jusque là le père et la mère se seraient disputé agressivement l'enfant, soudain l'époux remarié ne penserait plus qu'à s'en débarrasser et à la laisser, au-delà du temps prescrit, sur les bras de l'adversaire ; acte de mauvaise foi qui éveillerait le ressentiment de l'autre et lui inspirerait le désir de se venger par une tricherie de même nature. La pauvre enfant se trouverait ainsi pratiquement désavouée, rebondissant de raquette en raquette comme une balle de tennis ou un volant. Cette image ne pouvait que toucher l'imagination et lui apparaître comme le commencement d'une histoire...Je me souviens d'avoir aussitôt pensé que,  pour assurer une symétrie convenable, le second conjoint devrait se remarier aussi."

Tant de noirceur , d'inconstance et de cruauté ne seraient pas si modernes finalement ... Et ce qui serait plutôt de notre temps serait la notion d'intérêt supérieur de l'enfant et le respect que l'on cherche à lui garantir en tant que personne à part entière, dans les jugements de divorce contemporains.

Alors, certes, le sujet semble passionnant, quoique malsain et inconfortable. 
Mais,fichtre, que ce récit m'a semblé long ! De fait , pas loin de quatre cents pages.
 Il faut dire qu'il a paru d'abord en feuilleton, en 1897, ceci explique peut-être cela. 
On ne saurait probablement incriminer la traduction de Marguerite Yourcenar, mais le style est curieusement inégal, tantôt fulgurant mais aussi parfois un peu flou au contraire (il m'est arrivé de relire plusieurs fois une phrase pour comprendre ce qu'elle voulait vraiment dire)

La narration prétend représenter le point de vue de Maisie, son ressenti ; ce but n'est que partiellement atteint, à mes yeux, tant il est difficile de parler pour un enfant, en son nom. Ce qui est vrai  en revanche, c'est qu'on finit par se sentir comme elle totalement désorienté, bousculé, déstabilisé. Nié pratiquement. Maisie devient tour à tour un enjeu et un boulet pour des parents indignes et des beaux-parents qui ne le sont pas moins. Immatures, inconstants, égocentriques et vains. Un vrai jeu de massacre ... aucun adulte n'en sort grandi. 
Mais le côté bavard et redondant de l'oeuvre m'a gênée. Je crois que je ne comprends pas bien le Henry James de la maturité, qui est pour moi une sorte de Proust anglo-américain (intelligence et introspection) ...mais avec un coeur froid.
 Je lui préfère le jeune Henry James, qui m'avait tant enchantée l'été dernier avec "Washington Square" (1880) : pas un mot de trop, du "dégraissé", et pourtant sulfureux déjà, ô combien...

Enfin , voilà, dans la série "Mior révise ses classiques", il me reste la fierté d'être allée jusqu'au bout !